Interview : Rieko Kodama parle de la Mega Drive


Les 30 ans de la Mega Drive n'en finissent plus de nous donner du travail, et on ne va pas s'en plaindre !
Au contraire, cet événement est l'occasion de lire les interventions de nombreuses personnes ayant eu un impact énorme non seulement sur la console mais aussi sur nous, les joueurs.
Le Famitsu sorti le premier novembre est d'ailleurs une bonne source d'informations, puisque après Hideki Satô et Masami Ishikawa, nous vous proposons la traduction de l'interview de Rieko Kodama !

Excellente lecture, et à bientôt pour la suite !


Famitsu : Depuis cette époque, vous officiez en tant que designer ; pouvez-vous nous dire quel genre de travail exactement vous avez fait avant et après la mise en vente de la Mega Drive ?

Rieko Kodama : Durant l'ère de la Master System, je ne faisais rien d'autre que le travail qu'on m'assignait. Lorsque le développement des jeux Mega Drive a débuté, étant compétente pour cela, je me suis vu confier les décors et la conception des mondes d'un grand nombre de titres.
Avant cela, je m'occupais aussi des personnages et du design.
Sur Ninja Princess en arcade, j'ai entre autres fait l'animation des personnages.
Comme j'ai conservé les documents d'époque, je les ai apportés.
(Note du Traducteur : ces documents étant uniquement disponibles dans le magazine et non pas sur le site de Famitsu, je n'ai pas fait de scan vu que je ne suis pas certain de la légalité de la chose, donc juste une photo un peu vague).


Famitsu : Pas possible, il y a encore ces documents !

Rieko Kodama : Lorsque je suis entrée dans l'entreprise, un des anciens m'avait dit qu'il fallait impérativement conserver ce genre de document.
Cela permet d'alimenter son propre savoir disait-il.
Je ne pensais pas qu'un jour cela me serait utile dans une telle situation (rire).

Famitsu : On peut lui être reconnaissant de vous avoir enseigné cela.
Après Ninja Princess, vous êtes passée au design sur les jeux console n'est-ce pas ?

Rieko Kodama : Oui. Pour Phantasy Star, en m'incluant, nous étions plusieurs designers. Parmi eux, il y avait celui qui donnera naissance à Sonic par la suite, Naoto Oshima.
Et aussi le programmeur de Sonic, Yuji Naka, en tant que responsable.
Comme il s'agissait d'une équipe de plus ou moins 10 personnes, cela se passait dans une excellente ambiance.


Famitsu : Vous avez participé au développement de Sonic n'est-ce pas ?

Rieko Kodama : Je suis arrivée en cours de développement, et je me suis occupée du design des décors.
A ce moment là , j'allais aider les équipes en retard dans leur travail de design, et il m'arrivait souvent qu'en cours de route on me fasse aller sur un autre projet.
Dans le cas de Sonic, je suis restée jusqu'à la fin. C'est nous les designers qui avons réglé les collisions dans les décors.
Après avoir rendu le jeu, j'ai souvenir que nous sommes allés déjeuner assez tard dans un family restaurant des environs.
Je suis retombée par hasard sur ces documents, je les ai apportés aussi (NdT : voir la double page ci-dessus).


Famitsu : Wouah ! Mais ce sont des documents d'une valeur inestimable non ?

Rieko Kodama : Ce sont les documents à l'usage du développement que j'ai reçus à l'époque.
Je suis arrivée en cours de route, et ils m'avaient préparé des documents facilitant le travail autant que possible.
Chaque design était réalisé et compilé par Naoto Oshima, la conception du monde a été solidement réalisée.
C'était un travail vraiment amusant.

Famitsu : Lorsque Sonic est devenu un énorme hit, cela a t'il eu un grand impact sur l'environnement de l'équipe de développement ?

Rieko Kodama : Pour moi il n'y a pas vraiment eu de changement.
Mais pour Yuji Naka et Hirokazu Yasuhara de la Sonic Team, on leur avait dit d'aller faire des jeux à l'étranger afin d'y trouver l'inspiration car Sonic avait été un grand succès dans ces pays.
Lorsque Sonic 2 a été développé, la base de l'équipe était à l'étranger.


Famitsu : Lorsqu'ils ont été envoyés à l'étranger, qu'avez-vous fait madame Kodama ?

Rieko Kodama : Jusque là, il y a avait d'autres femmes avec plus d'ancienneté dans l'entreprise, mais elles ont toutes fini par arrêter et je me suis retrouvée comme lead designer.
Puis, tout comme pour Sonic, j'allais aider sur différents projets.
C'est pour cette raison que j'ai travaillé sur beaucoup de jeux Mega Drive.
Je me souviens tout particulièrement d'Advanced Daisenryaku.
Le planner était un passionné de tout ce qui était militaire, il voulait mettre dans le jeu des avions qu'il n'avait jamais vus.
Et comme ils étaient introuvable dans les encyclopédies, on n'a pas eu d'autre choix que d'acheter des maquettes en plastiques et de les assembler, ce sont elles qui ont servi de base dans le jeu.
Je me rappelle qu'il m'avait félicité en me disant que j'étais douée pour construire les maquettes, bien que cela n'avait rien à voir avec mon travail.


Famitsu : Hahaha (rire). Il y a eu une personne qui vous a donné l'impression d'être particulièrement incroyable ?

Rieko Kodama : Sans hésitation, Yuji Naka. En tant que parfaite profane dans la programmation, je me permettais de lui demander de faire ceci ou cela pour le design.
Et de son côté, il faisait le maximum pour le faire. J'ai des souvenirs très fort concernant Phantasy Star.
Même une fois le travail de design terminé, Yuji Naka avait dit vouloir intégrer une image avec tous les personnages réunis, cela fera plaisir aux joueurs disait-il !


On était déjà au maximum de la capacité mémoire, mais par différents moyens il a pu faire un peu de place et mettre un de ces dessins pour l'ending.
Pour la version AGES sortie le 31 octobre, le responsable de la programmation de la conversion, en voyant le travail de Yuji Naka et la quantité de données qu'il avait pu faire rentrer, a eu la tête qui tournait (rire).


Famitsu : Quel est votre premier jeu sur Mega Drive ?

Rieko Kodama : Altered Beast. Comme il était déjà sorti en arcade, j'ai tout redessiné en regardant les données graphiques d'origine.
La quantité de couleurs utilisable en arcade et sur Mega Drive étant différente, mon travail était d'être la plus fidèle dans les limites du possible.
Le développement d'Altered Beast a débuté alors que la console n'était pas encore terminée, le modèle en cours d'élaboration devait faire environ 1m x 2m.
Même aujourd'hui, lorsqu'on parle de la Mega Drive, l'image de cette version en développement reste très forte dans ma tête (rire).


Famitsu : Du point de vue du designer que vous êtes, il était facile de travailler sur la Mega Drive ?

Rieko Kodama : En comparaison de la Master System, les couleurs utilisables sont bien plus nombreuses et il est possible d'avoir beaucoup de scrollings, ce qui facilite la conception en 3 dimensions.
Toutefois, j'avais déjà de l'expérience en arcade, et j'avais plus la sensation d'avoir enfin un hard capable de se rapprocher de ses machines.
Avoir pu travailler en arcade au préalable fut une expérience importante pour la nouvelle que j'étais.

Famitsu : La Mega Drive a l'image d'une machine qui a fortement marqué les passionnés, qu'en pensez-vous ?

Rieko Kodama : Le staff de développement était très jeune et faisait les jeux avec énormément d'entrain, c'est pour ça... ? (rire).
Et il faut dire que quoi que nous faisions, tout était nouveau et que ce soit nous ou les autres, nous voulions étonner en faisant de nouvelles choses.
Il ne s'agissait pas encore d'un environnement mature comme aujourd'hui, et il était simple de faire des nouveautés.
Nous faisions uniquement ce que nous aimions, et grâce à cela, je pense qu'une partie des joueurs accueillait cela avec passion.


Famitsu : Et je suppose qu'il va d'ailleurs y avoir beaucoup de ces œuvres incluses dans la Mega Drive Mini prochainement mise en vente.

Rieko Kodama : Complètement. Et je souhaite que les jeunes s'y amusent aussi.

Famitsu : Vous avez aussi travaillé en tant que productrice, vous éprouvez de l'intérêt pour ce type de travail ?

Rieko Kodama : Lorsque je me suis occupée de Phantasy Star: The End of the Millennium, il n'existait pas encore ce travail de producteur, je n'en avais donc pas conscience.
En fait, un supérieur m'avait demandé si je ne voulais pas faire un RPG, et je suis devenue chef d'équipe comme cela.


Famitsu : Il s'agit d'une époque ou on cumulait différents postes, c'est cela ?

Rieko Kodama : Oui. La composition de l'équipe pour ce Phantasy Star était spéciale. Il n'y avait pas de planner.
En plus de la programmation, les designers s'occupaient aussi bien d'écrire les textes du scénario que de régler l'équilibre du jeu.
Tout en faisant les dessins, les designers devaient créer le monde et le scénario et construire tout cela ensemble.
Je pense qu'avoir une vision d'ensemble est un avantage.
L'idéal serait de pouvoir faire les dessins et programmer soi-même (rire).

Famitsu : Il y a eu des moments à cette époque ou vous avez eu l'impression de vous être faits battre par d'autres compagnies ?

Rieko Kodama : Climax avec son Landstalker. Avec son design un peu en SD (Super Deformed), et son monde qui donnait l'impression d'un jeu étranger.
Nos supérieurs avaient demandé un design similaire pour les jeux suivants, cela nous a bien compliqué le travail.


Ou encore le Lunar the Silver Star de Game Arts, j'en étais jalouse.
Moi aussi je voulais faire un jeu donnant l'impression d'être tout droit sorti d'un dessin animé avec ses graphismes et son monde comme ce RPG.


Famitsu : Et au fait, il y a un jeu qui vous a marqué sur votre concurrente, la Super Famicom ?

Rieko Kodama : Elle permettait de faire des choses que la Mega Drive ne pouvait pas tels les effets de transparence ou les couleurs intermédiaires.
Plutôt que de la voir en rivale, j'étais surtout jalouse, et j'ai fait diverses recherches afin de trouver comment compenser pour faire de beau graphismes.

Famitsu : Concrètement, quel genre de recherche ?

Rieko Kodama : Dans le monde du jeu PC, il y avait un haut niveau dans la technique du pixel art. Je me suis donc référée à eux.

Famitsu : Si on parle de pixel art sur PC de cette époque, vous voulez dire que vous vous êtes référé entre autres aux jeux sexy ?

Rieko Kodama : Je laisse cela à votre imagination (rire).

Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Correction/relecture : Shenron

DSE76, 19 nov 2018 - 11:25
"Je me souviens tout particulièrement d'Advanced Daisenryaku. Le planner était un passionné de tout ce qui était militaire, il voulait mettre dans le jeu des avions qu'il n'avait jamais vus."
Eh bah, ça m'étonne pas, vu les unités assez obscures pour le joueur moyen.

Sinon, ça serait une bonne idée de regrouper en un seul endroit toutes vos traductions d'interviews.
De rien ;)

Concernant Rieko Kodama, j'ai d'autres interviews en stock, mais je ne vais pas pouvoir m'y pencher tout de suite.
Clairement une des meilleure interview que j'ai lue, elle dit des choses très vraie (comme le fait que le fait que le monde du jeu vidéo de l'époque était jeune et en plein essort fait que cette époque fut unique) et avoue sans honte avoir jalousé d'autres titre.
Sans oublié qu'elle a gardé ses dessins préparatoire...