Interview : Masami Ishikawa, le créateur de la Mega Drive

Super Fantasy Zone

Parce qu'une fois lancé nous ne nous arrêtons plus, voici une seconde traduction provenant du magazine Famitsu datant du 1er novembre de cette année, ce dernier fêtant les 30 ans de la Mega Drive.
Après celle de Hideki Satô, cette fois-ci nous allons plonger au cœur de la mise au point de la 16 Bits.
Masami Ishikawa, dont il est question aujourd'hui, est ni plus ni moins l'homme qui a donné vie à cette légende.
Toutefois, les 2 ans de gestation nécessaire à sa naissance n'ont pas toujours été très simples comme vous allez pouvoir le lire.

Excellente lecture !

Masami Ishikawa, celui qui a conçu le cœur de la 16 bits

Famitsu : Monsieur Ishikawa, vous vous êtes vu confier le développement de la Mega Drive. En toute franchise, quelle a été votre impression à l'époque ?

Masami Ishikawa : Pour être honnête, je ne pensais pas être capable de la concevoir (rire). A l'époque, Monsieur Satô m'avait dit " il y a de nouveaux composants disponibles, tu ne veux pas les essayer ? " et c'est à cette occasion que je me suis vu confier le développement de la Mega Drive.
Elle est composée de 2 CPU, un main et un sub, et de 2 mémoires vidéo. J'avais eu pour ordre de me rapprocher le plus possible graphiquement parlant du System 16 en arcade.
Je devais donc utiliser ces éléments au mieux afin de pouvoir faire une console de salon d'un haut niveau technique, et le fait de trouver comment y arriver a été pour moi source de beaucoup de tourments.

Famitsu : Et d'ailleurs, combien de temps vous a t'il fallu entre le début et la fin du développement ?

Masami Ishikawa : Jusqu'à maintenant, je répondais toujours 1 an et demi à cette question, mais récemment, j'ai bien refait les comptes et en fait c'est plutôt 2 ans.
C'était un développement assez long pour l'époque.
Mais il faut dire qu'avant, tout était entièrement fait à la main, des plans de départ jusqu'à la méthode de fabrication...
Si c'était aujourd'hui, on en aurait beaucoup plus vite fini.

Famitsu : Et comment se passait le processus de développement d'une machine ?

Masami Ishikawa : C'est Yamaha qui s'occupait de la fabrication du processeur vidéo en full custom process IC technolgy. C'est à partir de la fabrication de ce circuit imprimé test que tout a commencé.
La version commerciale est bien plus petite, mais dans les premiers pas du développement, afin de vérifier le bon fonctionnement de ce processeur, il a fallu faire une version test très grande, dont la surface représentait plusieurs tatamis (Note du Traducteur : j'ai laissé l'expression d'origine parce qu'amusante, il faut savoir qu'un tatami fait 1m80 sur 0m90 et on peut supposer que la version test faisait environ 2 voire 3 fois la surface de ces derniers).
Il fallait relier chaque circuit à la main (rire).

Famitsu : Ça devait être difficile...

Masami Ishikawa : Il a fallu 1 mois pour fabriquer la version de test.
Ensuite, une fois terminée, il fallait lui connecter les CPU et la mémoire, et une fois en marche il fallait faire le debug des circuits. Le processeur est un élément qui doit traiter toutes sortes de données, et afin qu'il puisse le faire au mieux il faut augmenter la vitesse. Par exemple, on affiche la lettre A, et dans le même temps on prépare un écran avec B, tout cela avec du son via un ordinateur, et le processeur vidéo doit exécuter tout cela parfaitement.
Le CPU et la mémoire doivent correctement transmettre les informations, on doit en quelque sorte construire une route qui n'entraîne pas d'embouteillage.

Famitsu : Et une fois ce processeur au point, vous avez pu continuer sans heurts ?

Masami Ishikawa : Sur le circuit imprimé, l'emplacement du CPU, de la mémoire et du processeur ont une grande influence sur la vitesse du traitement des données, il faut donc réfléchir pour les disposer de la manière la plus efficace (rire). La vitesse de traitement est capitale dans les performances d'une console.

La coque de la MD a été conçue avant son hardware

Famitsu : Je vois. Et concernant le design de la console, c'est vous aussi ?

Masami Ishikawa : Non, c'est une autre personne qui avait cette tâche.

Famitsu : C'est donc vous qui avez décidé de la taille du circuit imprimé, et le design de la coque de la console a été pensé par la suite ?

Masami Ishikawa : Non, le design de la console a été fait en premier. Comme la taille de la machine avait été préalablement décidée, je devais faire un circuit imprimé qui pouvait rentrer là -dedans.
Si l'endroit du port cartouche est défini, je dois forcément faire en sorte que le jeu se mette à cet endroit. Comme je l'ai dit précédemment, la disposition des composants est primordiale. C'était un point particulièrement difficile.

Famitsu : Et d'ailleurs, la console est munie de diverses connexions pour les périphériques, la possibilité de la relier avec d'autres éléments avait été prévue dans les plans de départ ?

Masami Ishikawa : Je ne sais pas si monsieur Satô (NdT : l'ancien président de la firme, Hideki Satô avait prévu cela dès le début. Mais de mon point de vue, je pensais qu'il fallait pouvoir faire face à toute éventualité et avoir des connectiques afin de pouvoir lui brancher divers périphériques. Je ne me suis pas occupé des autres machines comme le Mega-CD, mais je suis content que cela ait été utile pour leur développement.

Famitsu : Lorsque vous avez enfin fini sain et sauf le développement de la console, quel a été votre sentiment ?

Masami Ishikawa : Pour dire vrai, plus qu'un sentiment de satisfaction, je m'étais surtout dit " ça y est, enfin fini " (rire crispé).
La première fois que j'ai pu ressentir un sentiment de satisfaction c'est lorsque j'ai entendu qu'à l'étranger, la Genesis était devenu un énorme hit et qu'on avait battu Nintendo.

Famitsu : Qu'avez-vous fait après le développement de la 16 Bits ?

Masami Ishikawa : J'ai été muté dans la section travaillant sur les machines d'arcade. Et cette équipe a commencé à travailler sur la prochaine génération de consoles.
Alors que la Mega Drive était en pleine production de masse, l'équipe SEGA Saturn était mise sur pied.

Famitsu : Quelle est la pire période dans le développement d'une machine ?

Masami Ishikawa : Dans le cas d'une machine, c'est complètement différent d'un jeu, ce n'est pas à la toute fin lorsque le délai approche.
C'est plutôt au tout début du développement, lorsqu'on a terminé le debug du circuit imprimé test et qu'on trouve par la suite un bug qui nous avait échappé. Dans ce cas c'est l'affolement total, et on cherche en regardant les plans et le circuit sans les lâcher des yeux... Si le hardware a un bug c'est la catastrophe totale.
De plus, il faut énormément de temps pour chercher s'il y a ce type de bug. Et une fois trouvée l'origine du souci, il faut couper la connexion posant problème sur la plaque de semi-conducteur à l'aide d'un laser, et refaire une connexion correcte avec un FIB (sonde ionique focalisée, le traducteur remercie de tout son cœur Wikipédia)... Voilà le genre de chose à faire pour rectifier les bugs.

Famitsu : Maintenant que vous le dites, effectivement, un bug dans le hardware serait une catastrophe.

Masami Ishikawa : N'est-ce pas. Une console sert pendant des années et des années. Et si elle a un bug, tout est gâché. Il faut donc faire le debug avec une grande prudence.

Famitsu : Lors du développement, vous souvenez-vous avoir découvert un bug en particulier qui vous avait marqué ?

Masami Ishikawa : Non, il n'y en a pas eu d'un point de vue fonctionnel. Mais ils se disait que les consoles SEGA avaient des couleurs floues. C'est aussi le cas pour la Mega Drive ; la cause a été déterminée avant la production de masse.
La solution trouvée a été de rajouter un petit circuit imprimé supplémentaire au-dessus du principal, contenant plus ou moins ce problème. Par la suite, en faisant des modifications mineures, il a été possible de remplacer cette plaque utilisée dans la première version de la console par un composant,.

Famitsu : Il y a eu ce genre de choses... Et au final, est-ce que vous avez joué avec ?

Masami Ishikawa : Oui, j'ai un peu joué. Je n'aime pas trop les jeux d'action, par contre j'ai beaucoup joué aux shoot them up. J'adorais en particulier Super Fantasy Zone et Space Harrier II. J'apprécie aussi les puzzle game et donc fait aussi du Puyo Puyo. En y repensant maintenant, j'aimais les jeux permettant de jouer lorsqu'on a peu de temps libre.

Famitsu : L'année prochaine, la Mega Drive Mini sera mise en vente, qu'en pensez-vous en tant que développeur de la machine d'origine ?

Masami Ishikawa : J'en suis vraiment très heureux. Je souhaite que les fans de l'époque y jouent tout en ressentant de la nostalgie.
Ce fut très difficile de faire une console de salon de petite taille... et voir aujourd'hui cette version qui fait la taille d'une main ouverte me fait vraiment ressentir le changement d'époque (rire).

 

Commentaires

Je trouve ça fou qu'ils aient conçu la coque avant le reste, et que les techniciens aient du s'adapter ! C'est vraiment caractéristique de l'état d'esprit du "cool avant tout" de SEGA, parfois en dépit du bon sens !
Moi je lui aurais demandé si pour lui ce ne fût pas une erreur le peu de couleurs affichables simultanément, puisque c'est le seul vrai talon dAchille de la machine...
koinkoin, je savais même pas qu'il y avait un processeur video yamaha.
- C'est k'oi ic technology de full custom process IC technolgy !!!
Comme toujours: c'est un fabuleux travail de traduction. On est les seuls d'un point de vue français à le faire. :good:

Il ne manquerait plus que d'autres sites piquent tout ton travail par la suite, par paresse pure et dure.:moui2:
geemu, 12 nov 2018 - 9:00
Merci pour la traduction, l'article est très intéressant.
C'est dingue de commencer par le design,ils ont tout fait à l'envers.
Mais en même temps ils mis des connections périphériques pour brancher d'autres supports à venir, très judicieux.
Overdrive II a mis en évidence que la console pouvait faire de la transparence via un registre de debug dans le VDP, qui n'est en réalité fonctionnel que dans un faible pourcentage de machines.

Donc y a clairement eu des trucs qui ont été prévus côté VDP et qui ont du être abandonnés.
Jaimerais beaucoup croiser ce monsieur pour lui soutirer tout un tas d'infos:mrgreen:
Je le mets dans mes cibles prioritaires :cool:

@Shenron : Ton choix dans l'image pour illustrer la news est exactement celle que je voulais, même pas eu besoin de te le demander, je le savais ;)
Les vrais reconnaissent les vrais :cool:

Il était prévu aux premiers stades du développement de permettre d'afficher plus de couleurs (et de gonfler la mémoire), mais ça aurait pris trop de place, il aurait fallu un chip de plus, et ça aurait coûté trop cher.