Interview : Les 25 ans de Sonic par ses créateurs, part 2

Seconde partie (sur trois) de la traduction de l'interview Famitsû spéciale 25 ans de Sonic. Discussion toujours aussi passionnante, on y retrouve de nouveau Yuji Naka, Naoto Ôshima et Takashi Iizuka qui cette fois, en plus de la série Sonic, évoquent NiGHT into Dreams ainsi que Burning Rangers. Si vous n'avez pas lu la première partie, vous pouvez le faire en cliquant ici.

Excellente lecture !

 

De McDonald's à MTV, les coulisses du hit Sonic 3 pris dans un tourbillon

--Après avoir bouclé Sonic 2, vous avez attaqué Sonic 3.

Yuji Naka : Bien que ce fût intense, c'était vraiment très intéressant. Lors du développement de Sonic 2, environ la moitié du staff était étrangère. Du coup, comme on communiquait en anglais, il était difficile d'indiquer certaines petites subtilités. D'ailleurs, c'est pour cette raison si des stages dans le 2 ont des teintes légèrement différentes. Donc pour le 3, afin qu'il y ait plus de Japonais, on en a fait venir du pays, et Iizuka en faisait partie. Tu t'occupes de la série depuis 1993 non ? Waouh c'est incroyable !

Takashi Iizuka : La première fois que j'ai rencontré Yuji Naka en Amérique il a dit : " Mais on ne m'envoie que des petits nouveaux ? " (rires)

Yuji Naka : En y repensant aujourd'hui, je suis reconnaissant, mais à ce moment on était dans une impasse et je souhaitais que l'on m'envoie des personnes d'expérience (rire crispé). Toutefois ils se sont très bien adaptés au travail et on a plus ou moins réussi à être dans les temps avec Sonic 3.

--Du coup, les grandes maps, c'est le fruit du sang et de la sueur de Yasuhara et Iizuka ? (rire).

Yuji Naka : De plus, lorsque Iizuka est arrivé en janvier 1993, on essayait le SVP (pour SEGA Virtua Processor, un DSP permettant de gérer la 3D ; Virtua Racing est le seul titre l'exploitant commercialement), pour faire un titre 3D que l'on nommait Sonic 3D. On n'en était encore qu'au niveau des travaux préliminaires, et on avait fait une démo dans laquelle on pouvait courir sur un terrain de forme sphérique ressemblant un peu à la planète de Maître Kaio de Dragon Ball.

C'est à ce degré d'avancement, alors qu'on se demandait comment intégrer cela dans le jeu, que le contrat avec McDonald's fut signé pour les Happy Meal en 1993. L'entreprise nous ordonna d'être impérativement dans les temps, la production du SVP était long, et on ne pouvait pas être dans les délais avec un titre en 3D comme on était partis à le faire. Et donc pour finir le jeu il ne nous restait environ que 6 mois, ce fut un gros combat. Du coup, sur les 3 premiers épisodes, c'est ce dernier qui bénéficia du temps de développement le plus court.

--Je pensais que vous aviez plus eu un rôle de producteur en Amérique. Genre un côté administratif/gestion de l'IP.

Yuji Naka : Non, j'ai toujours fait de la programmation. Que ce soit au Japon ou en Amérique, la gestion de l'IP était confiée à des personnes différentes. Mais le côté positif d'avoir fait Sonic aux USA est que l'on faisait régulièrement venir des enfants pour tester le jeu. " Wouahhh, c'est Game Over ici ! ", " Il semble sympa ce passage ! ". On pouvait voir de nos yeux leurs réactions en jouant, ces observations ont, je pense, eu un impact positif. Et pour décider du design des personnages on demandait aux enfants " tu en penses quoi ? " en montrant le dessin.

Takashi Iizuka : Durant mon année et demie sur place, j'ai travaillé là -dessus en permanence. Durant cet intervalle de temps on a pu faire Sonic 3 et Sonic & Knuckles. Et bien que j'aie été à fond dedans, j'ai pu pleinement profiter des USA durant mes quelques congés. C'est avec ses bons moments en tête que j'ai pu me concentrer dans le travail, je suis revenu au pays en en gardant une bonne impression et du coup, j'y suis retourné par la suite.

 

Le grand patron décide que Ôshima reste au Japon. Le vrai visage de Sonic CD !?

--Et pour s'occuper de Sonic CD, Ôshima est resté au Japon, comment était la situation ?

Naoto Ôshima : Lorsqu'il a été question de Sonic CD, j'ai dit que sans Yuji Naka, ce n'était pas possible. Malgré tout on m'a dit " On va te mettre des programmeurs d'excellence " et Yamamoto Keiichi (en charge de la programmation entre autres de Strider version Mega Drive) s'est porté candidat. Mais au final il y a eu des choses qu'il ne pouvait pas faire, et je me souviens m'être dit " si ce n'est pas Yuji Naka, ce n'est effectivement pas possible ".

Takashi Iizuka : Ce n'est pas de la faute du programmeur, tu avais sûrement des exigences trop élevées dépassant les limites du raisonnable. Au début, Sonic faisait le time warp en courant, le décor changeait en un instant pour aller à une autre époque, c'était ça l'idée non ?

Yuji Naka : C'était impossible avec les chargements. On n'y pouvait rien, donc au moment du time warp, on a introduit la scène ou Sonic vole vers le haut pour dire " voilà , l'époque a changé ! ".

Naoto Ôshima : Lorsque je vois la conversion de Sonic CD, je me dis " mais enlevez moi cette scène ! ". Aujourd'hui le jeu est pourtant supposé être entièrement en mémoire. En fait, on devait pouvoir changer n'importe où d'époque parmi 4, et l'univers changeait en un instant. Dès le départ j'ai pourtant dit que c'était faisable...

Yuji Naka : En 2011, lors de la conversion sur iOS, j'ai dit " j'en veux pas de cette scène ! ", j'étais furieux. Donc si celui qui a fait la conversion lit ces lignes, enlevez-moi ce passage et sortez une version director's cut s'il vous plaît !

Naoto Ôshima : S'il faisait ça j'en serais vraiment heureux, moi-même je voudrais m'y essayer.

Yuji Naka : En parlant de Sonic CD, c'est aussi la première apparition d'Amy Rose. Depuis les USA, en voyant cela, je me disais que Sonic faisait le dragueur. Sa petite amie était pourtant décidée sous les traits d'une humaine pulpeuse, " Madonna ", et j'ai eu un sentiment d'un manque de cohérence total.

Naoto Ôshima : Le responsable du "licenses business " de l'époque voulait qu'à l'instar d'un Mickey qui a sa Minnie, Sonic ait une copine. Du coup j'ai fait son design, elle hérite toutefois des caractéristiques de base de Madonna.

Celle qui avait été décidée pour devenir la petite amie de Sonic. Une humaine toute de rouge vêtue et sexy.

Yuji Naka : C'est à cette époque que la J-league (NdT : championnat de football du Japon) fut créée, et il y a eu une demande d'un dessin de Sonic à cet usage.

Naoto Ôshima : Comme je n'ai eu pour seule consigne que de faire un " Sonic jouant au foot ", je pensais que c'était à destination d'un club junior, j'ai dû le faire en 10 minutes. Quelle ne fut pas surprise de le voir sur la poitrine des t-shirts de la JEF United Ichihara (NdT : équipe professionnelle). Je pense l'avoir fait au stylo feutre (rire).

Le dessin fait par Ôshima pour sponsoriser à cette époque l'équipe de JEF United Ichihara

Sonic est de plus en plus populaire. Quelles furent les coulisses de la fièvre Sonic à travers le monde... !?

--De plus, alors que vous étiez tous occupés à travailler sur le jeu, Sonic en tant que personnage devenait de plus en plus populaire, MTV l'avait même adopté le rendant encore plus célèbre. Quand avez-vous pris conscience du phénomène ?

Yuji Naka : Mon souvenir le plus lointain remonte au moment où McDonald's l'a choisi pour le Happy Meal. Lorsque j'ai entendu " les goodies à destination du monde entier vont être fabriqués à presque 200 millions de pièces " je me souviens d'avoir éprouvé de la joie mais surtout ressenti de la pression. Sonic 2 s'était vendu à 1 million d'exemplaires, mais là il s'agissait d'un chiffre incomparable, et on n'avait pas d'autre choix que de finir Sonic 3 dans les temps. Et d'ailleurs je fus désolé que le jeu soit au final partagé en deux parties.

Takashi Iizuka : En fait, la date butoir n'était pas la seule raison. L'espace dans la cartouche était insuffisant, les données ne rentraient pas dans la ROM, c'est pour ces raisons que Sonic 3 fut partagé en deux.

Yuji Naka : Et autrement, je garde un grand souvenir de l'expédition des exemplaires de Sonic 2. Je me souviens d'articles dans différents médias qui annonçaient " Sonic 2 enfin expédié ! " en montrant un camion qui chargeait les jeux depuis l'usine. Je n'ai pas pu le voir de mes yeux mais il y a eu 4 Jumbos Jet Cargo qui ont livré les jeux à l'aéroport de Heathrow à Londres. Lorsqu'on m'a rapporté cela, je me suis dit : " Wouah il cartonne ! ".

--Avec Sonic 3. MTV a organisé une compétition d'ampleur mondiale.

Yuji Naka : Les choses prenaient une ampleur toute autre, on nous a dit : " ils vont louer l'île d'Alcatraz pour y faire un événement ! " (rire). Depuis l'hôtel en direction de l'île, on a pris place dans un véhicule cellulaire, ils ont fait appel à des policiers de San Francisco eu repos, le show pour nous commençait ! Je ne sais pas comment ils faisaient, les feux passaient au vert les uns après les autres, c'était incroyable...

Takashi Iizuka : Lorsque la promotion MTV fut décidée, on était en plein Sonic 3. Un responsable marketing est venu pour nous demander de mettre " une scène où on est enfermé dans une prison ". On ne m'avait pas parlé d'Alcatraz et comme c'était inutile dans le déroulement du jeu j'ai refusé en disant " je ne peux pas faire ça ! ". En y repensant maintenant ça aurait été bien de l'intégrer.

--En parallèle de sa popularité qui devenait de plus en plus grande, les personnes et sociétés impliquées s'accroissaient donc.

Takashi Iizuka : Effectivement, et il y a aussi eu le MACY's Thanksgiving Day Parade en novembre 1993.

Yuji Naka : Il y a eu ça oui ! Il avait été dit qu'un énorme ballon Sonic en était, et bien qu'on ait bravé le froid jusqu'à New York, on a eu beau l'attendre, il n'est jamais venu. On m'a rapporté par la suite que peu après le départ il avait été pressé par le vent et s'était dégonflé.

Takashi Iizuka : Durant la parade, on a vu un groupe marcher avec des T-shirts Sonic et on s''est dit " Tiens c'est pas ça ? Mais il n'y a pas de ballon !". Personne ne nous avait informés de la situation, du coup, jusqu'à la fin on n'a rien compris.

Yuji Naka : A cette parade il y avait entre autres Garfield ou bien encore Spider-Man, et seuls des personnages célèbres peuvent être choisis. Que Sonic soit retenu pour apparaître parmi eux m'avait rendu fou de joie !

Takashi Iizuka : Durant un bref instant j'ai eu la sensation que Sonic était devenu un personnage national là -bas. C'est vraiment dommage qu'il n'ait pas fait son apparition (rire). On aurait dû aller le voir avant le départ.

--Et vous depuis le Japon, vous avez ressenti cela ?

Naoto Ôshima : Non, pas du tout. J'avais entendu dire qu'il était super populaire aux USA mais je ne l'ai pas vu de mes yeux.

Yuji Naka : Dans la pub de fin d'année, il n'y a pas eu le slogan " Gros hit dans tous les États-Unis ! " ?

Naoto Ôshima : Si, mais je n'ai pas eu ce sentiment, juste les informations. Le voir de ses propres yeux doit changer la donne. Mais celui pour lequel j'ai le plus grand respect, Walt Disney, a vu son personnage Mickey Mouse se faire dépasser une année par Sonic dans le classement des personnages populaires. J'ai exulté en disant " on a doublé Mickey !!! ". Derrière Sonic il y avait aussi Sylvester Stallone ou Arnold Schwarzenegger, je me suis dit" c'est devenu incroyable ! ". Cela devait être aux environs de 1994.

En état de léthargie, à l'ère de la Saturn. NiGHTS et Burning Rangers.

--On avance dans le temps et je voudrais parler de l'époque Saturn. Durant la première moitié de l'existence de la console, il n'y avait toujours pas de Sonic commercialisé, et un bon nombre se demandait "mais que fait la Sonic Team" ?

Yuji Naka : Mon sentiment était " Je ne veux plus faire de Sonic ". J'ai bien entendu les voix s'élevant pour dire " si la Saturn ne connaît pas le succès c'est parce qu'elle n'a pas de Sonic ". Mais ayant été plongé dedans durant 4 ans, je voulais faire un nouveau jeu. Et donc, avec Ôshima et Iizuka, on a commencé NiGHTS into Dreams. Il nous a fallu 2 ans pour le faire. Par la suite, et j'en suis profondément désolé pour les fans, on a bien commencé à développer sur Saturn un environnement dans lequel Sonic pouvait bouger, mais c'est devenu par la suite Sonic Adventure. Seulement, au moment d'avoir réalisé un niveau test, on nous a parlé de la prochaine génération de console avec la Dreamcast. Au final, on a eu l'ordre de passer le développement sur cette dernière ; toutefois, voulant faire quelque chose du travail effectué sur Saturn, on l'a intégré dans le Gallery Mode de Sonic Jam.

--La série fut appelée " Project Sonic " (NdT : Sonic Jam était le Project Sonic 1, Sonic R le 2, et Sonic 3D Flickies'Island le 3).

Yuji Naka : A cette époque les interviews devenaient de plus en plus nombreuses mais je ne pouvais pas dire aux joueurs que la version Saturn était annulée et je ne pouvais pas non plus évoquer la Dreamcast, c'était une période particulièrement pénible. Et on s'est donné à fond pour en faire un titre de lancement de la Dreamcast.

--Il y a aussi eu Sonic R, son développement s'est fait à l'étranger n'est-ce pas ?

Yuji Naka : Oui c'était Traveller's Tales. J'ai fait bon nombre de déplacements en Angleterre pour le superviser.

--En cette belle occasion qu'est de pouvoir parler de NiGHTS, j'aimerais bien en savoir plus.

Takashi Iizuka : En rentrant au Japon, moi et Yuji Naka on s'est regroupés avec Ôshima et tout a commencé lorsqu'on a voulu un personnage emblématique pour la console. Lorsqu'on réfléchissait au projet, Yuji Naka nous avait donné comme mots-clefs " un personnage qui peut voler dans le ciel " et " une île sur laquelle on ne peut pas voler ". J'ai dit " ce serait vraiment touchant qu'au final on puisse s'envoler sur cette île qui ne le permet pas ".

Yuji Naka : On a voulu faire en sorte que l'expérience fasse passer l'émotion autrement que par les mots ou par l'image.

Takashi Iizuka : Mais les mots-clefs donnés par Yuji Naka étaient contradictoires. A ce moment j'étais encore jeune et ma façon de penser manquait sûrement de souplesse, du coup, jusqu'à pouvoir donner forme au projet j'ai vraiment été tourmenté.

Naoto Ôshima : De mon côté, j'étais heureux de faire quelque chose de nouveau. Je le dis à droite et à gauche mais refaire en permanence le même jeu n'est vraiment pas une chose que j'aime. L'idéal, à l'instar de Hayao Miyazaki, est de faire une nouvelle œuvre à chaque fois et que le public s'en fasse un plaisir. Et donc que tous reviennent pour faire autre chose, ma joie fut immense. Une chose que je peux vous révéler aujourd'hui, est qu'il y avait une grosse pression venant du coté commercial " faites un Sonic ! ". Du coup, lors de la présentation du nouveau jeu pour Saturn on a dit " cette fois Sonic vole dans le ciel ".

--En fait il ne s'agissait pas de Sonic mais vous ne pouviez pas dire qu'il s'agissait d'un nouveau personnage.

Naoto Ôshima : Si je l'avais dit, il était évident qu'ils auraient été contre. Et lorsqu'on a fait la version d'essai et qu'on a pu la présenter, bien qu'ils aient dit " hé ! Mais ce n'est pas Sonic ! ", ils ont aussi dit " ça semble excellent ! ", et j'en fus soulagé.

Yuji Naka : En tous cas, pour NiGHTS, la période de développement fut longue, 2 ans au total. Même maintenant, de tous les jeux dont je me suis occupé, il doit être celui pour lequel il a fallu le plus de temps.

--Je me répète, mais du point de vue des joueurs la Sonic Team semblait être en période d'incubation.

Yuji Naka : Pour NiGHTS, on s'est longuement interrogés. A un moment, Iizuka a dit " si à la fin pouvoir voler provoque un sentiment de plaisir, alors ne faisons que des passages qui procurent cela "(rire). J'ai souvenir de l'avoir contredit en disant " du coup il n'y a plus d'émotion ! ".

Takashi Iizuka : Quel jeu allait en ressortir, nous étions dans une situation où nous n'en savions rien, on a été tracassés jusqu'à ce que les idées aient émergé.

Yuji Naka : Au début, on avait pris pour modèle le Yanbaru Kuina (NdT : ou Râle d'Okinawa, oiseau relativement rare vivant uniquement à Okinawa donc ) mais à…Å’shima n'a pas vraiment adhéré.

Naoto Ôshima : Lorsqu'on regarde le staffroll du jeu, Yuji Naka y est producteur, et moi directeur, toutefois, ce qui m'intéresse le plus, ce sont les personnages. Moi et Yuji alors que l'on s'adonnait à la création de ces derniers, on avait confié la partie jeu à Iizuka. Du coup, je ne savais pas qu'à la toute fin il y avait une scène ou le héros pouvait voler, en plein test du jeu je me suis exclamé " Ha ! Je vole ! " (rire).

Yuji Naka : C'est parce que tous les éléments émouvants étaient parfaitement ajustés (rire). Afin de savoir comment pousser aux larmes, Iizuka s'est plongé dans l'étude du monde des rêves.

Takashi Iizuka : Chaque jour, en arrivant au travail, je faisais le tour de l'équipe afin de leur demander " quels rêves as-tu faits ? " et j'en appréciais le contenu.

Yuji Naka : On a lu Jung et Freud. C'est en les étudiant que l'idée de lier les stages aux couleurs est née. On a travaillé en tenant compte de la Psychologie des profondeurs.

Takashi Iizuka : On a construit les stages afin qu'ils s'accordent aux changements des sentiments d'Elliot et Claris.

Naoto Ôshima : En fait, pour le partage du travail, c'était moi et Yuji Naka pour la partie joueur, Yuji Naka et Iizuka pour la partie technique, et moi et Iizuka pour l'univers, voilà le triangle. Je n'ai pas souvenir que l'on ait beaucoup parlé tous les 3 ensemble.

Yuji Naka : Dit comme cela on dirait que l'on ne s'entendait pas (rire).

Naoto Ôshima : Lors du développement, c'est un peu le rôle que nous occupions (rire).

Takashi Iizuka : Pour la dernière scène dans laquelle on vole, avec Sasaki Tomoko de la partie son, on réfléchissait à l'idée permettant de rendre la scène plus touchante. L'idée d'un instant de silence total avant que la bande son ne démarre vient de Sasaki.

Yuji Naka : Et l'autre élément qui pousse aux larmes c'est lorsque le film de fin démarre. Enfin il y a de la musique, et tout en regardant le film c'est à ce moment que les larmes coulent à flots. On a eu comme réaction " Si en cours de développement on y arrive, si on le finalise on est certain d'émouvoir ".

--Ce thème qu'est d'émouvoir c'était aussi pour viser autre chose que Sonic.

(Tous ensemble) Oui Exactement.

Yuji Naka : Afin de faire autre chose que du Sonic, qui apportait un vent de fraîcheur,

NiGHTS devait offrir une expérience à travers son histoire. C'est la différence principale.

Naoto Ôshima : Et si on parle marketing, Sonic ayant dominé aux USA, on voulait gagner en Europe avec NiGHTS.

--C'était une demande du service marketing ?

Takashi Iizuka : Non, c'était juste notre sentiment.

Yuji Naka : A ce niveau, on était plutôt libres. Environ jusqu'au début de la Saturn, on nous laissait libre de décider différentes choses.

Naoto Ôshima : A ce propos, concernant Christmas NiGHTS, un jour, revenant de réunion, Yuji Naka m'a dit "Ôshima ! Pour la fin d'année il faut que tu sortes un truc ! ". On l'a un peu fait dans l'urgence (rire). Lorsque j'ai demandé pourquoi, il m'a répondu que tous les projets étaient en retard et qu'il n'y avait rien pour la fin d'année.

Takashi Iizuka : Et c'est pour cette raison que Christmas NiGHTS ne fut pas mis en vente mais distribué avec les consoles et le Multi Controller ; toutefois les joueurs pouvaient aussi en faire la demande par téléphone. Ils devaient simplement s'acquitter du port et du coût de production.

Yuji Naka : Il me semble que c'était une idée de Takezaki.

--Entre ceux qui créent les jeux et ceux qui les vendent, la relation est plutôt difficile.

Yuji Naka : N'est-ce pas vrai pour chaque époque ? Ce qu'imagine le service marketing et ce que font ceux en charge du développement est au final différent. A l'inverse, si on demande " vous voulez que l'on crée quelque chose de particulier ? " on a pour seule réponse " un truc qui se vend ". Et donc on répond " laissez-nous faire ". C'est sans fin entre créateur et commercial.

Naoto Ôshima : Pour une société de jeu vidéo l'avis des dirigeants est d'une importance capitale je pense.

Takashi Iizuka : C'est pour cela que l'on a pour mot d'ordre " ce que l'on crée est notre vie ". Le développement est un challenge permanent. C'est en ayant conscience de cela que SEGA faisait les jeux. C'est en voulant une expérience émotionnelle faisant dire " J'ai jamais vu ça avant ! " que le jeu a vu le jour je pense.

--J'aimerais parler un peu de Burning Rangers

Naoto Ôshima : NiGHTS terminé, afin de prendre plaisir à relever un nouveau challenge, on a voulu faire un titre ne ressemblant pas à ce que pourrait faire la Sonic Team avec un coté moe (NdT : ici pour plus de précision ). afin de toucher les joueurs ayant un petit penchant otaku. Et donc on a réuni parmi les employés ceux doués dans le domaine, moi-même je me suis mis à m'entraîner à ce style de dessin.

--Pas possible !

Naoto Ôshima : Mais au final je n'ai pas pu. J'avais beau dessiner, dessiner, on me disait, " ton design est trop propre ", " Tu devrais casser ton trait ", au final j'ai abandonné. On a ensuite voulu donner un style anime et décider d'utiliser des Pompiers.

Yuji Naka : Ôshima adore les Héros, En Amérique, si on parle de Héros, ceux qui en sont le plus proches c'est les Pompiers, il a dit " on fait ça ".

Naoto Ôshima : Et donc, je pensais faire appel à l'animateur Hiroyuki Ochi. C'est à ce moment que l'annonce de fusion entre SEGA et Bandai fut faite, et je me demandais si on ne pouvait pas faire cette demande à Bandai. J'ai attendu un certain temps et au final cette fusion n'a pas eu lieu. Et du coup, on a fait la demande à la filiale de SEGA, Tokyo Movie Shinsha (devenu TMS Entertainment) et du coup je n'ai pu solliciter Hiroyuki Ochi que pour le package.

Yuji Naka : C'est vrai qu'il y a eu cette histoire de fusion... (rire crispé).

Naoto Ôshima : Concernant le système de jeu, j'avais totalement confiance. Idem pour l'aspect graphique, on a pu programmer des effets de transparence comme la Saturn n'en avait jamais fait.

Yuji Naka : Exact. Il y en a des choses à l'écran. C'était une priorité pas facile. On a utilisé à fond les 2 CPUs, et comme on a fait en sorte de l'exploiter au maximum, cela rend un portage difficile.

Takashi Iizuka : Même maintenant il y a des voix qui souhaitent une conversion.

Naoto Ôshima : J'aimerais bien une version réaliste telle qu'on pourrait l'imaginer aujourd'hui. Un peu façon Hollywood.

Yuji Naka : Ce n'est pas mieux de laisser le jeu comme à l'époque ? J'ai déjà dit à Yosuke Okunari (entre autres producteur des SEGA 3D reprint) que c'est son boulot de faire la conversion !

Takashi Iizuka : Lorsqu'on a eu presque fini le jeu, alors qu'il ne restait quasiment plus qu'à le vendre, un responsable en charge de l'étranger m'a dit " " Burning " Rangers signifie brûler soi-même... ". Et donc pour les étrangers ce titre est peut-être un peu bizarre (rire).

à suivre...

Traduction/adaptation : VirtuaHunter

Relecture/correction : Shenron

Tags
shou, 22 Aoû 2016 - 5:51
Retour dans le passé avec Nights et Burning Rangers, des jeux que j'ai essoré dans mes jeunes années.
Excellent boulot !!
Très impatient de lire la suite !!