Yoshiro Akata parle de Virtua Fighter

Ceci est la troisième traduction provenant elle aussi du site des 20 ans de Virtua Fighter.
Toutefois, cette fois-ci on s'éloigne légèrement du thème, car si oui ça parle de Virtua Fighter, ça parle aussi et surtout du regretté Last Bronx !
Yoshirô Akata évoque dans un premier temps sa relation avec Yû Suzuki, puis revient sur son parcours au sein de l'AM3. L'interview d'origine est ici.
Excellente baston, oups, lecture !

Profil :
Yoshirô Akata, après être entre autre passé par les rédactions des magazines masculins tels que Heibon Punch ou Brutus des éditions Magazine House, il fit son entrée chez SEGA.
Au sein de l'AM3 il fut chef de projet.
Durant son passage dans l'AM3, il s'est occupé en tant que producteur de Baku Baku Animal, Funky Head Boxers ainsi que Last Bronx.
Après son départ il a intégré la société Beams.

 

---Question : Pouvez-vous nous expliquer quel a été votre lien avec Virtua Fighter ?

---Yoshirô Akata : Avant Virtua Fighter, j'étais déjà en relation avec Yû (Suzuki). Si tous parlent de Yû pour sa fantastique contribution en tant que créateur de jeu, de mon point de vue, ce qui m'a le plus marqué était sa volonté d'introduire la notion de marketing dans les jeux d'arcade.

A cette époque, les jeux d'arcade n'étaient pas quelque chose d'habituel, même les magazines de jeux vidéo console n'en parlaient que très rarement, ils avaient l'image de jeux pour fanatiques. Et afin de changer cette situation, Yû voulait y introduire du marketing.
Bien entendu, il y avait entre autre un service chargé de la publicité et un chargé de l'information chez SEGA, mais indépendamment d'eux, il voulait un publicitaire dans l'AM2.
Et donc, Yû m'a contacté pour savoir si je ne connaissais pas une personne compétente dans ce domaine, et c'est comme cela que ça a commencé.

---Question : Il ne s'agissait plus seulement de faire du jeu vidéo, il pensait jusqu'à y introduire du marketing ; on peut dire que cette conception ne ressemble pas à celle des créateurs de jeu vidéo habituels n'est-ce pas ?

---Yoshirô Akata : Complètement. En tant que développeur, Yû est fantastique. Et je pense qu'en tant que producteur il fait date aussi. Bien qu'aujourd'hui cela semble évident, à cette époque, personne d'autre que lui n'avait eu l'idée de développer de la publicité pour les jeux d'arcade. C'est sûrement parce que j'étais un ancien rédacteur pour magazine, qui fait qu'il m'en avait parlé.

En étant à la tête de l'AM2, il ne pouvait pas en parler aux autres sections. Je l'ai ressenti comme un honneur, et pouvoir lui présenter le meilleur publicitaire fut vraiment une bonne chose. Évidemment, après lui avoir présenté cette personne, il me semblait normal de la suivre dans son travail. Toutefois, elle a su développer tout son potentiel et je n'ai pas eu besoin de rester derrière. Je pense que c'est grâce à cette personne si l'image de Virtua Fighter 2 a pu s'étendre dans le monde. Si c'est bien les développeurs qui ont créé le jeu Virtua Fighter, c'est ce publicitaire qui a créé l'image Virtua Fighter.

Dans mon département, j'avais voulu introduire du marketing, mais comme c'était quelque chose d'encore inhabituel, il y a eu des frictions. Toutefois, cela a pu devenir réalité lorsque Yû en a fait la remarque, sa force en tant que producteur était fantastique.

---Question : Avez un souvenir marquant concernant votre relation avec Virtua Fighter ?

---Yoshirô Akata : Il y en a 2 bien distincts. Le premier, c'est lorsque j'ai vu le jeu pour la première fois. Le second, c'est lorsque j'ai moi-même créé un jeu de combat en 3D.

---Question : Quelle a été votre impression lorsque vous avez vu le jeu pour la première fois ?

---Yoshirô Akata : Pouvoir manœuvrer librement ses personnages en polygones avec le stick et les boutons dans cet écran fut un choc, un peu comme la création d'un nouveau goût, une nouvelle saveur. Il ne s'agissait pas d'une nouvelle recette faite d'ingrédients déjà connus, mais bel et bien d'un nouveau goût, un nouveau sens.

Lorsque j'étais à l'université, j'ai étudié le haptic design (un dispositif haptique est un système robotique qui crée une communication entre l'opérateur humain et un environnement virtuel. Il permet aux utilisateurs de manipuler des objets dans un environnement virtuel avec le ressenti tactile (toucher) et la perception kinesthésique (retour de force). Merci Wikipédia) et la réalité augmentée, j'ai fait beaucoup de recherches et vu bon nombre de vidéos. Toutefois, Virtua Fighter dépassait tout cela, il donnait vie à un tout nouveau sens des plus incroyables.

---Question : Et par la suite, vous avez donc voulu faire votre propre jeu en 3D.

---Yoshirô Akata : Au début, je considérais les jeux de combat en 3D comme une terre sainte, dans laquelle il était interdit de pénétrer. Bien qu'il y ait eu d'autres jeux, tels que Fighting Vipers, tous avaient été faits par l'AM2, et en étant dans la même entreprise il semblait impossible de s'y frotter.

Et donc, j'ai commencé par un puzzle game, Baku Baku Animal. Par la suite, on a pu toucher à la 3D et j'ai fait Funky Head Boxers.

Lorsque l'on a fait Funky Head Boxers, dans le même temps, Virtua Fighter 2 sortait en 60i/s constantes, sans jamais faiblir, j'ai vraiment été impressionné.
Et aujourd'hui, lorsque je vois Virtua Fighter 5 je suis vraiment admiratif. Donc, après avoir fini Funky Head Boxers, des voix s'élevaient au sein de l'AM3 pour faire un jeu de combat 3D, et c'est comme cela que l'on a voulu s'y essayer.

---Question : Et donc, le fait d'en faire un c'était comment ?

---Yoshirô Akata : A cette époque, le staff de l'AM3 s'adonnait sans retenue à la réalisation du jeu, aucun n'avait une quelconque mauvaise pensée. Toutefois, peut-être parce que je venais d'un monde qui n'était pas celui du jeu vidéo, je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir des doutes, je me demandais "peut-on vraiment battre Virtua Fighter ?".

Alors que tous se donnaient à fond, j'étais le seul avec ce genre de pensée. Je ne l'avais dit à personne, mais je n'ai jamais pu, contrairement au staff, me concentrer complètement à cause d'un complexe d'infériorité.

---Question : Mais vous espériez bien battre Virtua Fighter n'est-ce pas ?

---Yoshirô Akata : Tout à fait. Lorsqu'on se demandait comment y parvenir, depuis le moment où on a commencé la programmation jusqu'à faire les visuels, le staff s'y adonnait de toutes ses forces pour finir par décider d'en faire un jeu de combat 3D avec des armes, Last Bronx donc.

On a essayé de rendre le jeu plus réaliste en intégrant des éléments absents de VF comme intégrer des pubs dans le jeu, utiliser des lieux existants ou encore s'inspirer de la mode des jeunes de la rue. On a fait en sorte de s'assurer de rendre réaliste chaque élément.
Pour ajouter un plus visuel, nous avons créé le personnage de Kurosawa afin d'avoir des mouvements encore plus réalistes.

Habituellement les mouvements des personnages ont un quelconque rapport avec les arts martiaux ou le sport, mais Kurosawa est juste un combattant de rue.

Comme il ne bouge pas avec le raffinement d'un pratiquant d'art martiaux ou un sportif, il réalise une tonne de mouvements superflus avant d'exécuter ses techniques. Je pense que ce fut terriblement difficile pour la personne en charge de l'équilibrage (rire crispé).
Lorsqu'il fait une projection, il attrape la tête, la frappe, jette au sol et refrappe. Ce n'est pas vraiment un chope mais cela reproduit bien une bagarre. Ensuite, comme singularité du système de jeu, il est possible d'annuler toutes les techniques avec le "attack cancel" qui confère de la nervosité au gameplay.

"Si je perds face à "Virtua" je démissionne.
Mes 3 années chez SEGA furent comme un rêve."

---Question : Lorsque vous avez travaillé sur Last Bronx, ressentiez-vous qu'il y avait une confrontation avec Virtua Fighter ?

---Yoshirô Akata : Il ne s'agissait pas d'un ennemi mais d'un mur extrêmement haut. En tant que joueurs nous étions tous fans de VF, et en tant que développeurs tous admiratifs. Toutefois, on se disait qu'en faisant nous-même notre jeu, nous pourrions le créer exactement comme nous le rêvions et il n'en serait que plus amusant. Cette somme d'idées a donc pris la forme de Last Bronx. Ah oui, en plein développement, Famitsu est venu faire un reportage, et j'avais dit "si on ne gagne pas face à Virtua Fighter je démissionne".

Comme je vous l'ai dit plus tôt, j'avais des pensées négatives, je ne pensais pas pouvoir y arriver, je ne pouvais pas me pardonner d'avoir eu ce genre de sentiment de défaite au milieu du staff, toutefois, je pense qu'au plus profond de moi j'ai donné le meilleur. Mais au final, nous n'avons pas gagné et j'ai vraiment démissionné. On est vraiment bête lorsque l'on est jeune n'est-ce pas (rire).

---Question : Il y a un élément sur lequel vous estimez avoir gagné face à Virtua Fighter ?

Yoshirô Akata : S'il y a bien des éléments pour lesquels je peux bomber le torse, je ne pense pas que ça soit des éléments intrinsèques du jeu mais plutôt au niveau du packaging.
Maintenant, en y réfléchissant calmement, c'était sûrement une erreur de se confronter directement à Virtua Fighter. Mais à cette époque j'étais jeune et plein d'entrain. Mais pour l'avoir affronté de face en y mettant toutes ses forces, je n'ai pas de regret à avoir.

(Message pour les 20 ans de Virtua Fighter)

Bien que je n'ai été que 3 ans chez SEGA, avoir pu me confronter à Virtua Fighter, en tant que développeur, ce fut un honneur, j'en suis très fier.
Félicitations pour ses 20 ans !

Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Relecture/correction : Shenron

Commentaires

rynex, 12 mai 2017 - 2:38
Ouaah! Super touchant cette tranche de vie..
Quel témoignage l'esprit du bushido jusqu'en entreprise ^^.
C'est clair qu'il n'a pas de regrets à acoir c'est nous qui sommes triste de ne pas avoir eu de suite à à un jeu qui aurait pu être peut être pas au niveau de vf ,mais au moins un soulcalibur Killer.. Il était beaucoup plus abouti que Soul edge déjà à l'époque alors une suite d'un Jeu avec armes blanches de rue rhalala.