Test : Double Dragon V : The Shadow Falls (Mega Drive)
Après 3 épisodes de Double Dragon sur Mega Drive dont la qualité n’a eu de cesse que de fortement se dégrader, avec en summum du ridicule Double Dragon 3, Technos Japan confie sa licence à Tradewest qui lui même va la confier à une de ses succursales : Leland Interactive Media.
On leur doit très peu de jeux, en l’occurrence un titre SNES en 1992, Pro Quarterback Football, et en 1993 sur Mega Drive et SNES le jeu Fun ‘n’ Games (un jeu éducatif). Outre le Double Dragon V dont nous allons parler aujourd’hui, ils ne feront plus qu’un seul jeu : Kyle’s Petty No Fear Racing sur SNES en 1994, un jeu de course de stock car. Ensuite ils disparaissent de la scène vidéo ludique. Ça laisse rêveur …
Pour en revenir à Double Dragon V, ils l’adapteront sur les consoles de l’époque pour le marché US, et il y aura même une version Jaguar en 1995. Version qui sera d’ailleurs la pire du lot, pour l’avoir testée rapidement après mes sessions Mega Drive…
Vous allez me faire remarquer que j’ai parlé de Double Dragon 1 à 3 et du 5. Mais pourquoi avoir occulté le 4ème épisode ??? Eh bien parce qu’il n’existe pas, ou plutôt que le seul jeu officiel intitulé Double Dragon IV n’est sorti qu’en 2017 sur Xbox, Playstation et PC.
Donc pourquoi Tradewest a souhaité appeler son jeu Double Dragon V en 1994 alors qu’il n’y avait aucun épisode 4 ? Excellente question dont je n’ai trouvé aucun élément de réponse sur le net et c’est pas faute d’avoir cherché. Certains émettent l’hypothèse que c’était à cause du jeu Super Double Dragon sur SNES sorti fin 1992, qui pouvait être perçu comme un 4ème épisode, sans l'être officiellement. Ou bien le jeu Battletoads & Double Dragon, sorti quant à lui en 1993.
Quoiqu’il en soit, on se retrouve avec un « vide » dans la numérotation de la saga, mais cela arrivait de temps en temps à l’époque, principalement entre le marché japonais et le marché occidental où les confusions de numéros étaient courantes.
Outre ce problème de numérotation, Double Dragon V est également une autre révolution dans la série car il ne s’agit plus d’un beat them all, mais d’un jeu de combat en versus, à la Street Fighter II. Sachez d’ailleurs que Technos Japan succombera également à cette mode de l’époque en réalisant en 1995 un épisode intitulé sobrement « Double Dragon » sur Neo Geo, jeu de versus fighting.
La famille Lee n’est plus ce qu’elle était
Allons droit au but, vous pouvez totalement oublier le scénario des épisodes précédents et mettre à la poubelle tout ce que vous connaissiez de la saga. Ici le jeu se base sur l’animé américain qui a eu autant de succès que le jeu susnommé, c’est à dire aucun.
On retrouve donc Billy et Jim Lee qui sont toujours frères jumeaux, mais qui auraient été séparés à la naissance et se retrouvent à l’âge adulte sous la supervision d’un maître en arts martiaux. Dans l’animé ils doivent affronter un super vilain, le grand Shadow Master, qui n’a qu’un seul désir : contrôler Métro City, la ville de naissance de la famille Lee.
Exit, le New York des années sombres, les gangs de punks, l’ambiance sale de quartiers malfamés, les combats à main nues ou avec une batte de baseball. Non ici l’ambiance est très dessin animé des années 90 à savoir très colorée et un peu n’importe nawak. Billy et Jim Lee se battent avec des sabres, envoient des boules de feu en forme de dragon et obéissent à un maître shaolin à la façon des Tortues Ninja. Dans cette série, et donc dans ce jeu, vous ne retrouverez absolument aucun des protagonistes de la saga Double Dragon. Même le troisième frère Lee que nous avions découvert dans Double Dragon III ne semble n’avoir jamais existé.
Bref, une fois ce constat réalisé, et si comme moi vous ne connaissiez même pas la série animée avant de jouer au jeu, vous pourrez vous lancer dans l’aventure sans crainte d’avoir loupé des éléments importants du lore.
L’écran titre assez sobre montre la silhouette du Shadow Master, notre ennemi juré dans le jeu. Dès lors vous aurez accès aux différents modes de jeu : Tournament Mode (un mode tournoi classique où il faut battre tous les adversaires), Versus Mode (pour le jeu à 2 joueurs), Quest Mode (le mode histoire), Démo Mode (qui consiste à laisser la console jouer toute seule et vous n’êtes que spectateurs), un mode Dossier (qui permet d’en savoir un peu plus sur chacun des persos jouables) et les options.
Au menu des options vous pourrez paramétrer le mode de difficulté, les crédits, le sound mode et les boutons de la manette. A noter que Double Dragon V est compatible avec la manette 6 boutons de la Mega Drive, ce qui est assez rare pour le souligner.
Métro, boulot, dodo...
Je ne connais pas la série animée, mais le moins que l’on puisse dire en voyant les personnages jouables du jeu, c’est que Metro City ne donne pas très envie.
Vous aurez accès à 10 combattants jouables immédiatement, le dernier boss n’étant pas accessible. Dans le lot, bien entendu vous aurez Billy et Jim Lee, qui sont exactement les mêmes sprites, avec la coupe de cheveux et la veste d'une couleur différente, et avec le même gameplay. Ensuite viennent des persos comme Jawbreaker, Ice Pick, Bones, Blade, Sekka et j’en passe, des noms qui ne vous diront certainement pas grande chose. Cela va du squelette qui combat avec sa mitrailleuse, à la dominatrice en cuir qui combat avec son fouet, au gros lourdaud avec son bras canon par exemple.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’à part Billy et Jim Lee, ces personnages ne sont pas d’un charisme fou. Alors que n’importe qui pourrait citer tous les combattants de Street Fighter II, je pense que la quasi totalité des joueurs auront vite fait d’oublier ceux de Double Dragon V.
Quoiqu’il en soit, chacun de ces personnages dispose de ses coups propres, coups spéciaux et arme de prédilection, ce qui n’est déjà pas si mal. Combien de jeux de combat bien nazes sont sortis à cette époque avec moins de persos jouables, et surtout un gameplay réduit au strict minimum.
Ici chaque perso a 2-3 coups spéciaux. Vous pouvez faire des choppes, sauter, vous protéger en reculant, étourdir vos ennemis, et vous avez même une « fatalité » par personnage. Celle ci n’est pas gore comme dans Mortal Kombat, mais a le mérite de finir le combat sur une touche un peu originale. Toutefois, je tiens à préciser que je n’ai jamais réussi à sortir une seule de ces fatalités qui pourtant ne se réalisent qu’avec un seul bouton (pas une suite de combo), mais bizarrement je n’ai jamais compris avec quel bouton ou à quel moment il fallait la faire. Ce n’est qu’en cherchant sur le net et en regardant le mode Dossier du jeu que je me suis rendu compte qu’elles existaient.
Bon après, je suis une vraie quiche en matière de jeux de combat, ceci explique peut être cela…
Dans tous les cas, Double Dragon V, outre ces fatalités qui restent mystérieuses pour moi, se manie plutôt bien. Le gameplay est très (trop) classique et vous allez rapidement trouver vos marques. Un quart de cercle avant, ou arrière, un demi cercle, c’est la majorité des coups spéciaux. Ils sortent assez facilement, et je n’ai pas lutté pour y jouer. Les férus de jeux de versus vont pleurer devant la banalité affligeante du gameplay et ils n’auront pas tort. Il faut juste reconnaître quand même que le jeu se joue facilement, c’est déjà pas si mal.
Comme indiqué plus haut, la manette 6 boutons est utilisable, permettant d’avoir une graduation dans les coups de poings et de pieds. N’espérez cependant pas de contres dévastateurs, de parades à faire au bon moment, ou autres combos, je le répète, le jeu est ultra basique et n’importe quel joueur lambda peut y jouer sans difficulté. Il n'est pas non plus évident de se rendre compte quand on peut poursuivre une attaque en cas de parade (blockstun) ou quand elle a touché (hitstun).
Pour en terminer sur deux autres aspects que j’ai trouvé plutôt intéressant : la répartition des points de forces, et le mode Quest.
Concernant ce 1er aspect, sachez que le titre vous demandera, avant de débuter la partie, de répartir des points de compétence comme dans un RPG. Vous pouvez à loisir baisser votre défense pour augmenter votre force brute ou vos coups spéciaux, et inversement. Ça aurait été sympa de creuser cet aspect du jeu par exemple dans le mode Quest avec des points à gagner après chaque combat suivant votre taux de réussite. Ce n’est pas le cas malheureusement.
Enfin, dernier point « sympathique » c’est que l’histoire va s’adapter au personnage que vous allez prendre. Je m’explique. Si vous choisissez Billy ou Jim Lee, les deux seuls « gentils » de l’histoire, le scénario vous indiquera que votre objectif est d’empêcher le Shadow Master de contaminer la ville en battant chacun des lieutenants de votre ennemi juré. Les cutscenes de dialogue distillent le scénario au gré de votre avancée.
Si au contraire vous voulez jouer avec un des autres personnages, le scénario prend une toute autre tournure. Ici le Shadow Master vous met au défi de lui prouver que vous pouvez régner à ses côtés et que vous devez faire vos preuves. En gros il vous demandera de battre vos ennemis les uns après les autres avant de l’affronter et tenter de prendre sa place. Ce n’est pas grand-chose et ne vous attendez pas à un scénario très travaillé, mais j’ai trouvé qu’au moins les développeurs y ont pensé. C’est loin d’être toujours le cas.
Pour la culture générale, sachez que le mode Quest a totalement disparu de la version Jaguar, alors que cela constitue le seul petit plus du jeu. Allez comprendre...
Techniquement pas à la hauteur
Nous sommes en 1994, sur Mega Drive des jeux de combat comme Street Fighter II, Fatal Fury 1 et 2, Art of Fighting, Mortal Kombat 1 et 2, ou World Heroes sont déjà disponibles ou sur le point de l’être. Tout autant de titres de qualité qui démontrent que la Mega Drive peut offrir des jeux relativement proches de l’arcade.
Double Dragon V n’est clairement pas au niveau de ces titres, mais se rapprochent plus des jeux sortis 2-3 ans auparavant. Pas qu’il soit moche, il y a bien pire également sur la console, mais on sent le manque d’expérience des développeurs.
Les personnages manquent pour la plupart de détails. Les couleurs sont brutes de décoffrage, sans nuances, que ce soit sur les personnages mais encore plus flagrant sur les décors. Cela reste sombre, ou « délavé », avec peu d’inspiration dans ce qui est proposé. On ne s’extasiera jamais devant la dizaine de décors proposés, ni devant nos combattants. L’animation générale reste cependant bonne, notamment avec Billy et Jim Lee qui ont des mouvements assez bien décomposés et qui ne restent pas statiques dans leurs postures.
Non, visuellement ça n’est pas le jeu de la console, mais il s’en tire mieux que des Rise of the Robots ou autres titres bien ridicules de la Mega Drive. Pour une équipe sans expérience, c’est pas trop mal. Je reprocherais principalement une hitbox qui ne me semble pas parfaite principalement dans les « boules de feu » ou autres coups spéciaux qui touchent avant d’atteindre notre perso. Pour un jeu de combat c’est embêtant, même si cela ne m’a pas frustré outre mesure vu le peu de fois où on est confronté à la situation.
Il nous reste donc plus que la bande son, qui viendra clore un constat mitigé. Les musiques sont oubliables, pour ne pas dire anecdotiques, mais le jeu propose malgré tout quelques voix digitalisées audibles sans être parfaites (mais la Mega Drive n’était pas la plus doué à ce niveau là).
Double Dragon V n’est pas un bon jeu de combat si on est fan du genr, que l'on attend des persos charismatiqus, un gameplay millimétré, des combos et autres techniques de contre intéressantes. C'est également un mauvais Double Dragon si comme moi vous êtes fan de la série d'origine.
Toutefois je pense qu'honnêtement cela n'en fait pas non plus un jeu totalement raté. Il propose 10 combattants (9 si on enlève Jim Lee qui est identique à son frère), plusieurs modes de jeu dont un avec un petit scénario, quelques bonnes idées comme un finish move et la possibilité de modifier les caractéristiques physiques de son perso, le tout avec un gameplay facilement accessible.
Ce qui le dessert inévitablement c’est le manque total de charisme des combattants qui nous sont proposés, un gameplay justement ultra classique qui va frustrer les vrais joueurs de jeux de combats, un manque de fun évident, et une technique globale très moyenne. En réalité, je pense que le jeu s’adresse à un jeune public, notamment à ceux qui ont apprécié la série animée dont il est tiré, ce qui réduit forcément la cible des joueurs concernés.
Forcément face à une concurrence féroce sur Mega Drive, il ne fait pas le poids du tout. A découvrir pour les collectionneurs et amateurs de jeux de combats qui n’avaient pas encore posé les mains sur ce titre. Si vous tenez vraiment à faire un meilleur jeu de Fighting sur l’univers Double Dragon, je ne peux que vous conseiller l’opus Neo Geo, complètement différent et largement supérieur.
Verdict
Points forts
- Gameplay simple à assimiler
- Plusieurs modes de jeu dont un mode Quest
- 10 persos jouables
- Utilise la manette à 6 boutons
Points faibles
- Jeu de combat hyper classique
- Des combattants manquant de charisme
- Pas vraiment fun, même à 2 joueurs
- Techniquement assez moyen
- Basé sur l'animé et non la saga Double Dragon d'origine