Yakuza : Interview de Daisuke Sato et Takaya Kuroda

Daisuke Sato Takaya Kuroda

Daisuke Sato (Producteur de la série Yakuza) et Takaya Kuroda (interprète de Kazuma Kiryu) étaient les invités de Japan Expo 2018. Nous avons eu la chance de les interviewer, et de les interroger sur leur vision de la série. Vous pouvez écouter l'intégralité de l'entretien ci-dessous, ainsi que sa transcription.

N.B : pendant toute l'interview j'ai appelé M. Kuroda par son prénom. Il faut m'excuser, j'étais toute chamboulée par sa grosse voix !

Sega-Mag : Bonjour ! Est-ce que c'est votre premier séjour en France, votre première rencontre avec des fans français de Yakuza ?

Daisuke Sato : Oui, c'est la toute première fois !

Le succès de la série Yakuza est arrivé assez tardivement, puisque que ça a vraiment commencé il y a 1 an avec Yakuza 0. Comment expliquez-vous ce succès tardif en Occident ?

D.Sato : Je pense que cela peut s'expliquer de plusieurs façons. Premièrement, le jeu Yakuza 0 en lui-même : je pense que c'est celui qu'on a le mieux réalisé, on a vraiment réussi à condenser beaucoup beaucoup de choses avec beaucoup de qualité sur ce jeu, et d'ailleurs les retours de joueurs ont été excellents, et les critiques ont été très bonnes. C'est une première explication.
La deuxième explication est aussi liée à un changement structurel entre Sega et Atlus, qui a eu lieu un peu plus tard. En effet, jusqu'à la sortie de Yakuza 5, les jeux Yakuza ne sortaient pas tout de suite, en tout cas le décalage entre la sortie japonaise et les sorties occidentales était relativement important, ce qui ne permettait pas vraiment d'installer la franchise avec beaucoup de dynamisme et de toucher autant de gens qu'on l'aurait souhaité. Jusqu'à ce qu'en fait, à partir à peu près de Yakuza 5, il y a eu un changement structurel puisque SEGA s'est rapproché d'Atlus et donc ils ont bénéficié de la force de communication d'Atlus, en tout cas des équipes Atlus qui étaient plutôt douées pour vraiment toucher plus de fans en Occident.
Donc ils ont fait un très bon travail sur la série Yakuza, ce qui a permis de développer en même temps l'aura des jeux et donc les gens commencent enfin à s'y intéresser en Occident.

Yakuza 0 est mon épisode préféré personnellement : je trouve que l'équilibre dans les Yakuza en général, et surtout dans Zero, entre le sérieux, le drame dans la quête principale, et le côté un peu farfelu des quêtes annexes est vraiment réussi, on arrive à être ému d'un côté et en même temps à beaucoup rire de l'autre. Pendant longtemps les dialogues de la quête principale ont été les seuls à être doublés et je voulais savoir si vous lisiez les dialogues des quêtes annexes, si vous jouiez au jeu et si vous auriez aimé doubler davantage de dialogues un petit peu idiots, un petit peu foufous des quêtes annexes ?

Takaya Kuroda : Effectivement, personnellement j'aimerais que toutes les scènes soit doublées, même les scènes des quêtes annexes, et c'est vrai que c'est quelque chose qui s'est fait progressivement, parce que c'est à partir de Yakuza 6 que l'intégralité des textes ont été doublés [Ils se parlent en se posant la question sur les Kiwami, ils ont un doute ^^]. Jusqu'ici, la plupart du temps, il y avait quelques phrases qui était doublées et le reste restait sous forme de texte, et nous avons dû prendre le problème à bras-le-corps et décider de tout doubler.

Et vous n'avez jamais été un peu embarrassé par certains dialogues, parce que quand je pense à Yakuza Zero, par exemple la dominatrice ou Mister Libido, parfois c'est un petit peu osé... Est-ce que vous ne vous êtes pas dit parfois dans Yakuza 6, "Oh la, ça c'est un petit peu..." ?

T. Kuroda : Quelle que soit la scène qui est jouée, disons que je fais vraiment attention à rester dans l'esprit de Kazuma Kiryu et à ne pas sortir du personnage. Même dans les scènes un petit peu osées comme celles qu'on a pu évoquer, je fais en sorte qu'ils ne sorte pas de son personnage, et par exemple qu'il soit un petit peu gêné et qu'il n'aille pas au bout du délire. Mais quoi qu'il en soit, Kiryu reste un homme, il se peut aussi se retrouver dans ce genre de situation, c'est juste que je vais faire en sorte qu'il reste lui-même dans ces scènes.

Par exemple, dans les scènes des bars à hôtesses, de la même façon Kiryu ne se considère pas comme un homme séducteur, il est toujours en retrait il est toujours un petit peu timide, il n'ose pas trop et même quand il essaye de draguer c'est important de retranscrire le fait qu'en fait il n'est pas si sûr de lui que ça.

Justement sur ce sujet dans une interview, monsieur Masayoshi Yokoyama avait dit que, à son avis, Kiryu était encore puceau, qu'est-ce que vous en pensez ?

(Ça rigole. M. Sato coupe la phrase du traducteur et dit "puceau" avant que le mot soit prononcé).

D. Sato : Lui seul connait la réponse (rire).

T. Kuroda : Je me posais d'ailleurs la question en l'interprétant dans certains passages (rire).

C'est difficile à dire dans la mesure où il reste un personnage fictif, mais par exemple, dans Yakuza 2 il a une espèce d'approche avec Sayama la policière, mais cela dit le jeu ne montre rien de concret entre eux deux, donc on peut supposer qu'il se passe quelque chose... Mais en réalité dans l'esprit je pense que Sayama est partie et qu'en fait il ne s'est rien passé, donc bon, on peut considérer peut-être que Kiryu est encore puceau !

Ok mais dans ce cas-là qu'est-ce qu'il fait à l'hôtel avec les hôtesses ? Comment ils s'occupent ?

(Rires)

D. Sato : Quel genre de choses ils peuvent faire, c'est un mystère... peut-être qu'il se contente d'un massage et qu'il rentre chez lui après.

T. Kuroda : Ou au contraire il discute avec elles pour écouter leurs problèmes !

C'est un vrai gentleman alors !

(Rires)

Je voulais savoir si l'interprétation de Monsieur Kuroda avait influencé l'écriture du personnage de Kiryu, qui a quand même beaucoup évolué au fil de la série ?

(Intense réflexion) T.Kuroda : Hum, concernant mon interprétation ?

D. Sato : Pas particulièrement. Le personnage de Kiryu était déjà défini dans un cadre assez précis dès le début de la série et quand on a choisi monsieur Kuroda pour faire le doublage, on avait déjà une idée très précise de ce dont on avait besoin et il collait vraiment à l'image qu'on avait du personnage. Maintenant, de là à ce qu'il influence les scripts, ce n'est pas vraiment quelque chose qui arrive.

Est-ce que durant la production de la série, qui s'est étalée quand même sur trois générations de machines, il y a des éléments que vous avez voulu à un moment intégrer dans un épisode et qui a dû être repoussé dans un épisode suivant pour des raisons techniques, de coût ou de délai ?

D. Sato : Oui, évidemment, c'est quelque chose qui arrive régulièrement, d'abord parce qu'on est toujours limité par le temps de développement et forcément il y a toujours des choses qu'on voulait intégrer et qu'on n'a pas pu faire et donc on a dû les reporter sur le prochain épisode. Le degré d'importance varie en fonction des épisodes, mais par exemple lors du passage de la PS3 à la PS4 on a enfin réussi à intégrer le fait qu'il n'y ait plus de chargements et que tout se fasse quasiment en temps réel, et ça c'est quelque chose qu'on voulait depuis longtemps et qui est devenu possible seulement à partir de la PS4.

Quelles ont été vos inspirations au niveau du cinéma, ou des acteurs, pour définir les personnages de Yakuza, les intrigues et votre interprétation de Kiryu ?

D. Sato : la genèse de la série Yakuza a forcément été inspirée de beaucoup de choses qui tournent autour de l'univers des Yakuza. Je n'écris pas moi-même le scénario - ce sont principalement messieurs Yokoyama et Nagoshi qui sont en charge des scripts - mais en revanche je pense qu'il y a une image forte qui les a certainement beaucoup inspirés et qui nous inspire aussi, ce sont les films avec Ken Takakura, qui représente un peu un idéal masculin, en tout cas aux yeux des hommes japonais. C'est quelqu'un qui retransmet ce que doit être un homme. C'est une image forte qui a beaucoup joué dans la création de la série.

Justement ce qui est intéressant dans Yakuza, c'est que Kiryu finalement change très peu et reste fidèle à ses valeurs - d'ailleurs c'est un Yakuza qui fait très peu de trucs de Yakuza, on ne sait pas trop comment il gagne sa vie (rires des invités) - , mais dans un monde qui évolue. Même au sein de son clan les valeurs se perdent. Il a un côté un petit peu réac et en même temps extrêmement ouvert d'esprit. Est-ce que quelque part c'est une vision du Japon que vous voulez retranscrire dans les jeux, le fait que le monde bouge et pas forcément dans le bon sens et qu'il faut des hommes, des vrais, pour préserver ces valeurs ?

D. Sato : Il n'y a pas forcément d'envie de transmettre un message particulier, en tout cas à travers les actions et la personnalité de Kazuma Kiryu qui évolue dans cet univers-là . En revanche, nous avons quand même la conviction que les joueurs qui font face à divers événements dans leur vie peuvent s'inspirer du comportement de Kazuma Kiryu pour devenir des gens meilleurs... pourquoi pas. Si au moins ça peut leur apporter quelque chose de positif alors on aura quelque part réussi à apporter quelque chose en plus aux gens.

Sauf pour la baston..?

M. Sato (il sourit): Évidemment on ne règle pas tout forcément par la bagarre, mais disons que ce qui est important... Évidemment dans la vraie vie c'est difficile d'être aussi fort que Kiryu : c'est quelqu'un qui affronte les événements avec un certain sang-froid et avec un certain recul que beaucoup n'ont pas dans le monde réel, et quelque part aussi, à travers le jeu vidéo, c'est aussi un média qui permet justement de se projeter dans quelqu'un qu'on n'est pas encore, et de laisser un peu de place à l'amélioration personnelle.

Une toute dernière question : est-ce que Monsieur Kuroda pourrait dire de la façon la plus méchante possible "J'adore la glace à la fraise" ?

Bon, là il faut écouter pour apprécier, le passage est à 23min15 !
Pour la première il dit que c'est la version "calme".
Mr Kuroda finit en disant à la toute fin "c'était la réplique improbable".

Merci beaucoup et bon séjour en France !

Traduction : Jonathan Khersis. Relecture : Virtua Hunter.

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