Test : Alien : Isolation (Switch)

Same player, shoot again. Après deux tentatives de confier à des studios extérieurs une licence Alien probablement chèrement payée, Sega a décidé de garder Alien : Isolation dans la famille, en le confiant à The Creative Assembly. Le studio n'étant pas franchement un habitué des jeux d'action - même si Viking : Battle of Asgard était assez sympathique - c'est avec un brin de méfiance que fut accueillie l'annonce du titre.
 
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J'ai peur du noir. J'ai peur de la lumière.

Dès le début de la communication autour du jeu, CA s'est efforcé de couper les ponts avec les précédents épisodes : non, le jeu ne sera pas bourrin, et tiendra plus du premier film que du second. Oui, nous nous occupons du jeu à 100% - même des versions old-gen. Même la Fox s'y est mise, en déclarant qu'Alien : Isolation est canon dans la mythologie Alien. Rien que ça. Tout cela est très bien, mais, bon, le jeu ?

Dans Alien : Isolation, on incarne Amanda Ripley, la fille d'Ellen Ripley, qui a alors disparu avec le Nostromo depuis 14 ans. Amanda est ingénieur pour la Wayland-Yutani, et recherche toujours sa mère, en acceptant des missions à proximité de la dernière position connue de son vaisseau. Quand La Compagnie la sollicite pour retrouver la boîte noire du Nostromo, elle accepte donc, et part accompagnée de Samuels, un androïde, et Taylor, une juriste. L'expédition ne se déroule évidemment pas comme prévu, et notre trio se retrouve obligé de trouver refuge sur la station Sebastopol, qui était exploitée par la société Seegson, concurrente de Wayland-Yutani.

On constate très vite que Sebastopol n'est plus de première fraicheur. Le sol est jonché de cadavres plus ou moins en bon état, et la plupart des humains rencontrés sont hostiles. Que s'est-il passé sur la station ? Qui est responsable du massacre des travailleurs de la station ? Le suspense tourne vite court : un Alien rôde, et mieux vaut ne pas se trouver sur son chemin.

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L'objectif principal d'Amanda est de retourner sur son vaisseau, si possible avec la boîte noire du Nostromo. Malheureusement, la station est en piteux état, et il faut tout remettre en service. La plupart des objectifs consistent donc à déverrouiller des portes, remettre le courant, ou trouver des mots de passe et des cartes magnétiques, afin d'accéder à une salle spécifique, ou à un PNJ qui fera progresser l'intrigue.

Toutes les salles ne seront pas accessibles dès la début du jeu, et il faudra obtenir des outils spécifiques, ou bien upgrader un équipement existant, pour ouvrir certaines portes, un peu à la façaon d'un Metroid. D'ailleurs Amanda, en bonne ingénieur, est capable de fabriquer des objets à partir des composants trouvés ici et là sur la station : flash bombs, leurres sonores et mêmes cocktails molotov n'auront plus de secret pour elle une fois que vous aurez trouvé les plans correspondants. Rassurez-vous, ils ne sont pas vraiment cachés.

J'ai peur d'être seule. J'ai peur de ne pas l'être.

Evidemment cette promenade dans la station Sebastopol (parce que soyons honnêtes, l'essentiel du gameplay consiste à se balader et à ouvrir des portes) serait une promenade de santé sans la menace de l'Alien qui plane au dessus de nos têtes.

Parfois, il nous a repéré, il est dans la zone, quelque part, il fait ses rondes, puis, s'il ne trouve rien, remonte faire un tour dans les conduits d'aération, avant de revenir un peu plus tard. Alors on l'évite, on se cache dans un casier, sous un bureau, on tente fébrilement de passer dans son dos pour accéder à un couloir, en espérant qu'il ne vienne pas l'idée de se retourner. On peut toujours essayer de distraire son attention en lançant un fumigène ou leurre sonore, mais plus on en use, moins il se fait avoir.

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Lors de ces parties de cache-cache, il arrive qu'on croise d'autres adversaires. Les humains armés sont dangereux, mais gérables : ils sont aussi vulnérables aux balles que nous, et on peut même attirer l'Alien sur eux en faisant du bruit. Evidemment, ce stratagème peut tout aussi bien vous sauver la vie que se retourner contre vous ; j'ai par exemple une fois balancé une bombe sonore sur un groupe d'humains afin d'attirer l'Alien, qui a bien débarqué pour commencer un carnage. Sauf qu'un humain s'est échappé, s'est planqué juste à côté de moi, et a commencé à tirer sur l'Alien. J'ai eu beau l'assommer à coup de clé à molette, nous nous sommes faits croquer tous les deux.

Les androïdes sont plus gênants : ils sont lents, et désarmés, mais très résistants aux balles, et ne seront jamais attaqués par l'Alien. Et évidemment, ils braillent comme des ânes lorsqu'on les cogne à coup de clé à molette, ce qui à tous les coups attire la bestiole.

Le bruit deviendra vite une obsession, car quand il n'est pas là, l'Alien reste une menace. On entend ses déplacements dans les conduits d'aération, devant, derrière, au-dessus, en dessous. Il n'est jamais très loin, et le moindre coup de feu, la moindre course, peut le décider à se montrer.

Et en fait, la plus grande réussite du jeu, n'est pas de nous faire redouter les confrontations directes avec l'Alien, qui sont tout à fait gérables, d'un point de vue émotionnel. Non, le tour de force de Creative Assembly, c'est d'avoir rendu sa seule existence angoissante. Sebastopol est en ruine, la moitié des portes ne fonctionne pas, ou bien il faut les déverrouiller / alimenter / pirater pour qu'elles fonctionnent. Les portes automatiques mettent parfois 3 secondes pour s'ouvrir. Il en faut 5 pour désactiver un générateur, 10 pour pirater un terminal.

On voit Amanda manipuler les boutons, poignées et manettes, via des actions contextuelles. C'est long. Et pendant ce temps-là, la créature rôde, quelque part. Parfois on l'a attirée à l'autre bout de la zone, et on prie pour qu'elle soit encore en train de tourner en rond. Parfois elle rôde dans les conduits d'aération : on entend ses pas, le grésillement du détecteur de mouvement, elle peut se pointer à tout moment. Elle, ou un androïde, ces saletés de synthétiques qui se déplacent sans faire le moindre bruit.

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Dans Alien : Isolation, chaque action a un prix. Le pistolet doit être rechargé balle par palle. On ne peut pas interrompre le rechargement du lance-flammes. Les navettes de transit mettent bien 20 secondes à arriver quand on les appelle. Même sauvegarder prend une poignée de secondes, qui semblent parfois interminables. C'est normal : Amanda n'est pas ici en conquérante, mais en survivante. Elle risque sa peau à chaque instant, et le jeu n'a de cesse de nous le rappeler.

On apprend ainsi à accepter à ne jamais vraiment profiter de zones de confort. Que l'on vienne à prendre un peu trop confiance, parce qu'aucune menace ne semble se profiler à proximité, ou parce qu'on a trouvé une arme permettant de nous en défaire relativement facilement, et le jeu vient nous remettre à notre place. Par de nouvelles menaces, par des retournements scénaristiques, ou tout simplement en nous mettant la pression gratuitement, juste comme ça.

J'ai peur du bruit. J'ai peur du silence.
 

L'ambiance sonore contribue à 90% à l'état de stress permanent dans lequel est plongé le joueur. Les effets sonores sont affreusement oppressants, que ce soit les bruits de pas de la créature, le ton monocorde des synthétiques qui vous offrent poliment leur aide tout en vous étranglant, ou encore les bruits de la station, qui grince, suinte et craque. On ne louera jamais assez le travail de fou réalisé sur le son dans Alien : Isolation, qui s'apprécie déjà en Stéréo (jouez au casque !), et tue tout en 5.1. Mais il ne faut pourtant pas oublier la musique, discrète la plupart du temps mais qui intervient à des moments clé pour mettre la pression sur le joueur. Ok, c'est un peu vulgaire, mais c'est diablement efficace. Notez aussi que le doublage français est très bon, ce qui n'est pas si fréquent. Amanda, notamment, est particulièrement bien doublée, ce qui rend son personnage, pourtant peu dessiné, attachant et charismatique.

Un énorme travail a également été accompli sur les décors. Le jeu est chiche en "Waouh effect", la faute notamment aux environnements traversés : une station spatiale, c'est 95% de plastique et de métal, c'est fonctionnel, pas de quoi vendre des textures de malade. Mais les effets de particule et de lumière sont particulièrement réussis, et la façon dont la station s'anime au fil de la progression du joueur, dont les lumières clignotent ou s'éteignent, contribuent à la mise en scène de l'aventure d'Amanda. Le souci du détail a été poussé très loin : on a beaucoup parlé du design "rétrofuturiste" dans nos previews, et indéniablement Sebastopol semble tout droit sortie du premier Alien, avec ses écrans cathodiques, ses couloirs matelassés, ses ascenseurs et ses portes coulissantes.

Cependant, l'ensemble manque un peu de vie. Malgré les objets, stylos, magazines, posés ici et là, la station reste toujours un peu trop lisse pour qu'on puisse vraiment sentir qu'elle a été habitée. Impossible également de ne pas tiquer devant la modélisation des humains, assez approximative. L'Alien, par contre, est admirablement réussi : toujours inquiétant, il se meut avec élégance lorsqu'il marche, et fond sur sa proie (souvent vous, d'ailleurs) à la vitesse de l'éclair de façon affreusement crédible.

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J'ai peur, c'est tout.

"Ouais, mais normalement, l'Alien est un prédateur discret, qui se déplace silencieusement, à quatre pattes, et attend sa proie dans l'ombre, alors que dans le jeu, il se déplace aussi discrètement qu'on pachyderme", réplique le fan du premier film. Certes. Mais on n'est pas un film, mais dans un jeu vidéo. Et dans un jeu vidéo, on ne peut pas rendre l'antagoniste principal complètement cheaté, parce que comment j'évite un ennemi silencieux qui peut se déplacer en rampant ou en se cachant dans un coin sombre au plafond, hmm ? On meurt déjà beaucoup, dans Alien : Isolation. Pas "trop", mais beaucoup. La découverte d'un point de sauvegarde est déjà un soulagement, les menaces sont assez nombreuses, ce n'est pas la peine d'en rajouter. D'ailleurs, pas de checkpoints ici. Il faut sauvegarder manuellement, via des bornes placées stratégiquement dans la station : on en trouve 2 ou 3 par zone, elles sont bien placées, et je ne comprends absolument pas les plaintes que j'ai pu lire à ce sujet.

Les développeurs avaient également vanté le caractère "imprévisible" du comportement de l'Alien. Bon, c'est un peu du pipeau. Certaines apparitions sont scriptées, sa présence effective dans certaines zones est systématique, et j'ai eu l'impression qu'il mettait toujours à peu près le même temps avant d'abandonner la chasse et de repartir faire sa ronde. Son comportement reste néanmoins cohérent, en dehors de bugs ponctuels, et en adéquation avec un level design qui incite pas mal à la prise de risque.

Néanmoins, si le rythme du jeu est soutenu pendant une quinzaine d'heures, il connaît une baisse de régime provisoire passé ce cap. Cette partie, qui a été certainement pensée de façon à faire un peu retomber la pression, tourne un peu à vide, et lorsque le jeu repart de plus belle après une ou deux missions plus "cool", certains mécanismes semblent alors un peu forcés. Le système de craft, qui permet de fabriquer des objets, paraît également à la fois trop simple et un peu superflu, certains objets étant finalement peu, voire pas du tout utiles, même en Hard, et les composants de base ne venant à manquer que dans le dernier quart du jeu - et encore. Pour pinailler encore un peu, la fenêtre d'interaction est un peu étroite, et on s'y prend parfois à deux fois pour ramasser un objet. Cependant, je ne suis jamais morte à cause de ça.

Je vous conseille d'ailleurs de débuter directement en Hard : c'est le meilleur moyen de profiter à fond de l'ambiance oppressante du jeu, qui n'est pas si difficile que ça. Gardez le mode Normal ou Easy pour un second run, par exemple pour faire la chasse aux plaques d'identité et aux logs audio qui comblent les trous du scénario (qui fait le job sans être renversant). Vous pouvez compter aussi sur le mode Survie pour rallonger la durée de vie : dans ce mode, il faut trouver la sortie d'une zone le plus rapidement possible, tout en accomplissant trois missions annexes en un temps limité. Le mode est potentiellement intéressant, mais le jeu de base ne comporte qu'une seule carte (d'où le season pass). Nous vous en parlerons donc plus longuement quand tous les DLC seront sortis.

Alien : Isolation fait des concessions à la fidélité à la licence au nom du gameplay, et des concessions au gameplay au nom de l'ambiance. On passe son temps à ramper sous des meubles, à avancer accroupi dans des couloirs sombres, et à ouvrir des portes. Ça pourrait être ennuyeux, ça pourrait être redondant. Mais je retenais ma respiration (en vrai) à chaque fois que je m'accroupissais sous un bureau, je ralentissais mon pas à chaque bruit bizarre dans un couloir sombre, et je jouais ma vie à chaque ouverture de porte. Est-ce qu'Alien : Isolation aurait pu être meilleur ? Oui, probablement en étant un peu plus court et un peu plus radical dans son approche “survival". Est-ce que ça l'empêche d'être génial ? Certainement pas, et encore moins si vous êtes fan du film dont il est la suite.

Un point sur la version Nintendo Switch

Alien Isolation est sorti sur Switch le jeudi 5 décembre 2019. Ce portage voit le jour plus de cinq années après le jeu original. Le jeu est disponible uniquement en téléchargement et il faut lui réserver près de 18 Go. Ce portage a été réalisé par Feral Interactive et non pas par SEGA Europe ou encore Creative Assembly directement. Feral a déjà travaillé sur des portages Switch et notamment sur celui de GRID qui jouit d'une très belle réputation.

Niveau contenu, Feral et SEGA ne se sont pas loupés et vous allez retrouver l'aventure principale évidemment et absolument tous les DLC sortis. Le prix de 34.99 euros n'est pas vraiment donné mais le jeu reste tout de même de qualité et avec du contenu à foison.

Au sujet des nouveautés de la version Switch, elles sont assez minces ou plus que minces avec un système de visée gyroscopique et des vibrations HD plus précises. Ces nouveautés sont assez insignifiantes à mes yeux mais les aficionados de la visée gyroscopique ne seront peut-être pas d'accord. Au niveau technique, le jeu s'en sort extrêmement bien. Le jeu se révèle aussi beau que sur PS4 et Xbox One. Il serait même plus beau selon certains pros de la technique. Il est assez rare de voir un jeu PS4 et Xbox One aussi fidèle sur Nintendo Switch. Mais Alien Isolation est un jeu de 2014 et ce n'était aussi pas un canon technique à l'époque. Le sound design fabuleux en 2014 est toujours au niveau sur Nintendo Switch en 2019.

Le jeu tourne aussi à merveille en mode portable ou en mode table. Mais Alien Isolation reste un formidable jeu d'ambiance et d'horreur. Et y jouer sur un si petit écran est une très mauvaise idée, l'immersion horrifique passe forcément par un très grand écran.

Feral Interactive a donc réalisé un excellent portage, voire un portage modèle. En 2019, Alien isolation reste une expérience puissante et un sommet de l'horreur. C'est aussi très certainement une des meilleures adaptations vidéoludiques de la saga Alien, voire la meilleure. Lors de sa sortie en 2014, le jeu avait été accueilli assez fraîchement par la critique et le public, et c'est marrant de voir comment sa côte n'a cessé de monter au fil des années. Si vous ne l'avez pas fait, ce portage est une véritable bénédiction pour enfin le découvrir. Et si vous l'avez déjà fait, l'aventure se vit et se subit, avec énormément de plaisir et pas mal de stress.

Verdict

8

Points forts

  • Incroyable fidélité à l'esprit du film...
  • ...et des concessions intelligentes en faveur du gameplay
  • Les décors
  • L'ambiance sonore
  • ça fout vraiment les jetons !
  • Portage NS parfait

Points faibles

  • Un petit coup de mou aux 2/3 du jeu
  • Quelques bugs
  • Peut-être un poil trop cher sur Switch
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Commentaires

 

Archives commentaires

La taille d'écran pose peu de probleme. Il suffit de raporocher ce dernier de son visage :content2:
Toutefois, Alien Isolation dans son pieux avec un casque adéquat, ça donne grave envie.:bcnrv:
Très bon test au passage car il souligne le sound design intestable du jeu et sa direction artistique incroyable.
Quel jeu... Si seulement ils le sortaient en VR sur PS4 ça serait le top. Merci pour ce test switch
Tu joues dans quelle difficulté ? Il faut jouer en hard pour avoir celle souhaitée par les développeurs, pas plus. Je suis morte très souvent, mais plus souvent tuée par les humains que par l'alien.