Test : Total War : Rome II (Windows)

Ça y est, les fans laissent s'exprimer leur joie, les grincheux préparent leurs griefs et les habitués reprennent le chemin de la guerre : le nouvel et huitième épisode de la série Total War est arrivé ! Et une nouvelle fois, il s'agit de revenir sur une période déjà abordée précédemment, les conquêtes romaines, avec Rome Total War, opus qui signait il y a presque dix ans le passage à la 3D de la saga de Creative Assembly. Pourtant, malgré la réputation d'excellence des Total War, le net bruisse de rumeurs contradictoires à propos de ce Rome II. Alors, qu'en est-il exactement ?

Senatus Populusque Romanus

Comme les a très bien décrits Bko dans ses tests des précédents épisodes (voir celui d'Empire, de Napoleon et de Shogun 2), les Total War mélangent gestion et stratégie au tour par tour avec des combats tactiques en temps réel. Rome II vous plonge en plein IIIème siècle avant Jésus-Christ, à l'époque des Guerres Puniques, et vous propose de conquérir le monde antique à la tête de l'une des neuf factions jouables (Rome, Carthage, la Macédoine, Iceni, les Arvernes, les Suèves, les Parthes, le Pont et l'Egypte mais d'autres pays sont d'ors et déjà disponibles en dlc). Vous construirez des armées, gérerez vos provinces, édifierez des bâtiments et étendrez votre empire par la force et la diplomatie. À l'évidence, tous ceux qui ont touché au premier Rome, le dernier épisode édité par Activision avant que Sega ne rachète Creative Assembly, seront en territoire connu. Les habitués retrouveront non seulement leurs marques mais, comme toujours avec les récents Total War, un effort a été réalisé pour que chacun puisse facilement prendre en main cet opus.

"Accessibilité" a clairement été le maître-mot dans la conception du jeu. L'interface a été simplifiée, chaque ville compte dorénavant une garnison facilitant sa défense, vos armées se transforment automatiquement en bateaux dès qu'elles touchent la mer et se régénèrent avec le temps dans vos provinces ou celles d'alliés, le jeu vous signale les actions que vous auriez oubliées d'accomplir à la fin d'un tour, ... Au vu de la richesse du jeu, ces choix de conception apparaissent dans un premier temps comme une excellente idée. Les généraux, par exemple, s'ils ont toujours été importants dans la série, deviennent ici de véritables personnages à développer avec de très nombreux aspects de leur personnalité à gérer. Vous pouvez même choisir la composition de leur entourage ! Autre domaine bien pourvu, la diplomatie, habituel parent pauvre de la série, offre une foule de choix pour établir toutes sortes de relations avec vos voisins, que vous pourrez aussi bien transformer en États-clients qu'en alliés commerciaux. Attendez-vous toutefois dans ce domaine à un challenge long et relevé tant les liens sont lents à construire et souffrent d'une IA parfois lunatique.

Malheureusement, cette accessibilité du titre semble avoir orienté certains choix de game design étonnants synonymes de disparitions pour le moins surprenantes. Dîtes adieu à plusieurs possibilités introduites aussi bien par Rome I que par les plus récents Total War avec dans le désordre plusieurs boutons tactiques très utiles dont l'indispensable bouton "dispersion" qui permettait de faire face aux projectiles ennemis, la fin des variations climatiques et leur impact sur les opérations militaires, le manque remarqué d'un arbre généalogique bien utile pour gérer et maintenir sa famille au pouvoir, ... Mais le plus grand manque, celui qui fera grincer le plus de dents, se trouve du côté du multijoueur. Pourtant unanimement appréciées, les nouveautés introduites par Shogun 2, général et campagne persistants, sont dorénavant aux abonnés absents. À venir dans un dlc ?

Primus inter pares

Pour autant, tout ce qu'apporte cet épisode ne va pas seulement dans le sens de la facilité et le jeu demeure suffisamment riche pour attirer les amateurs. Ainsi, il faudra réaliser de véritables choix et mettre en œuvre des stratégies à long terme pour arriver à maintenir l'ordre social dans vos villes tout en alimentant votre population et en développant vos armées sans sacrifier votre économie. L'équilibre de votre empire ne manquera jamais de chanceler sous le poids d'exigences contradictoires qui vous assailliront souvent.

De cet équilibre résulte un jeu au rythme étonnamment lent qui éloignera les purs bellicistes de la campagne tant celle-ci exclut les stratégies de conquête-éclair. En effet, chaque nouvelle région tombée entre vos mains compose une province dont la stabilité dépend de toutes les régions qui la composent. D'où la nécessité de gérer les troubles sociaux avant de pouvoir relancer ses armées à l'assaut d'autres objectifs. Sans compter que dorénavant le facteur culturel entre aussi en ligne de compte et il faudra construire des bâtiments ou faire appel à des unités spéciales à même de répandre la langue et la religion de la faction que vous dirigez.

Au final, Rome II propose trois victoires différentes qui sont autant de manières de jouer : à la traditionnelle victoire militaire répondent les victoires économiques et culturelles. Néanmoins, l'option des armes demeure largement favorisée par le gameplay et le déroulement des parties. Après tout, la réputation de la série s'est surtout construite sur ses combats en temps réel.

Veni, vidi, vici

Et ces combats, vous allez en mener ! En plus de la campagne, le jeu vous offre des scénarios historiques, des escarmouches, des batailles personnalisables et des batailles en multijoueur jusqu'à six personnes. Largement de quoi faire.

Une fois les hostilités lancées, la qualité du moteur graphique saute aux yeux et offre un spectacle grandiose qui ne cesse d'impressionner... si l'on est épargné par les bugs, mais nous y reviendrons. Toujours est-il que les mouvements de milliers de soldats qui parcourent les différents champs de bataille européens mais aussi méditerranéens et asiatiques ne cessent d'impressionner. Pas de mystère de ce côté-là, Rome II ré-utilise le moteur de Shogun II qui offrait la même débauche visuelle. Tout juste remarque-t-on un jeu moins coloré et des tons plus ternes que son prédécesseur.

Plusieurs nouveautés en forme d'améliorations apparaissent sur le champs de bataille et offrent de nouvelles possibilités tactiques. Les sièges, critiqués depuis de nombreux épisodes et souvent abandonnés par les joueurs à la résolution automatique, offrent enfin une maniabilité intéressante. Même chose pour les combats navals, aussi réussis que ceux de Shogun II mais enfin mélangés aux combats terrestres. À vous les débarquements grandioses sur les arrières des lignes ennemies pendant que vous attaquez de front avec votre infanterie ! Autre ajout, la gestion des lignes de vue est dorénavant finement gérée selon la position de vos troupes et leur champ visuel. Pratiquement, cela offre de jolies surprises et permet de belles embuscades sur les cartes tactiques.

Tu quoque mi fili ?

Et pourtant, et pourtant, malgré toutes ces qualités, malgré toute la tradition de la série, malgré tout le savoir-faire de Creative Assembly, Total War Rome II, au moment de sa sortie, souffre de solides problèmes et ne procure pas (encore ?) une expérience tout à fait satisfaisante.

Évacuons tout de suite le principal reproche à l'heure actuelle : Rome II est clairement sorti trop tôt et trimballe une impressionnante série de bugs. Plusieurs vidéos sur internet dévoilent avec humour ces innombrables problèmes et les forums sont assaillis par la foule des joueurs indignés qui expriment avec nettement moins d'amabilité leurs reproches. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que le jeu utilise le moteur amélioré de Shogun II, sorti il y a de cela deux ans ! Outre les bugs, qui devraient progressivement disparaître avec les patches à venir, c'est le jeu dans son ensemble qui semble mal optimisé avec des chargements entre les tours de jeu d'une longueur à faire peur (entre deux et quatre minutes !).

Plus problématiques, car liés aux choix fondamentaux de game design, plusieurs mécanismes de jeu se révèlent peu intéressants ou frustrants. La politique, qui s'incarnait dans Rome I dans le conflit larvé puis militaire entre les factions chez les Romains, est devenue nettement plus abstraite, plus difficile à saisir et surtout avec une interactivité apparemment faible. La campagne, soit le cœur du jeu solo, risque aussi de vous décevoir par le peu d'initiatives stratégiques prises par l'IA. Celle-ci se contente le plus souvent de se battre dans son ère culturelle et ne développe pas réellement de vision expansionniste à même de contrer votre développement impérial. Les batailles enfin, se résolvent beaucoup plus rapidement qu'auparavant. Il n'est pas rare de voir une armée, le plus souvent celle de l'IA pas toujours efficace en difficulté normale, vaincue en trois à cinq minutes après des affrontements entre unités de quelques secondes tant leur santé et leur morale s'effondrent vite.

Quo usque pro roma ibis ?

Quel drôle d'épisode que ce Total War Rome II : plus beau mais débordant de bugs, plus accessible mais parfois lacunaire, classique mais doté de quelques très bonnes idées ; comment avec un gaillard pareil voulez-vous vous faire un avis ? Et pourtant, une fois de plus, le charme Total War agit et emporte tout sur son passage. Qu'il est bon de céder aux sirènes de la mégalomanie pour prendre en mains le destin d'une nation, qu'il est doux de (faire) mourir pour sa patrie virtuelle, qu'il est agréable de vaincre quitte à augmenter la difficulté pour enfin accéder au péril.

Pour autant, restez à l'affût des mises à jour et attendez que le jeu soit tout à fait achevé à coup de patches avant de vous lancer. Si les premiers acheteurs ont payé les pots cassés, et il s'agit d'une triste pratique, le passé de Creative Assembly incite à l'optimisme pour la suite. La gestion des corrections apportées aux précédents épisodes nous encourage à parier sur une version parfaitement jouable sous peu. Et la note finale reflète donc ce pari pour un épisode pas toujours abouti mais de qualité.

Config de test :
Processeur Intel core i5 2.3 Ghz
Carte graphique Intel hd graphics 3000
Mémoire 6 GB

Verdict

7

Points forts

  • - Magnifique
  • - Accessible
  • - Durée de vie toujours aussi monstrueuse
  • - IA capable du bon...

Points faibles

  • - ...comme du pas terrible
  • - Sorti trop tôt
  • - Parfois un peu simple
  • - Gestion politique mal fichue

Commentaires

un jeu que j'aurais aimé faire sur console ... Par contre tous ces bugs décriés par la presse sont inadmissible pour une série déjà bien installée. Ils auraient pu prendre quelques mois de plus histoire de peaufiner tout ça.
Merci pour le test très complet