Test : Super Monkey Ball Banana Rumble (Nintendo Switch)
Plateforme
Parmi les grandes questions existentielles qui ont hanté le sommeil de générations d'esprits savants, il en reste une délicate et dangereuse dont les réponses couvriraient de honte la plus alcoolisée des salles de cabaret crasseux :
Qu'obtient-on si on laisse d'innocents enfants singes au milieu de grosses boules et de juteuses bananes ?
Trop frileux de subir un inévitable bannissement social, les plus téméraires des artistes se sont toujours interdits d'en chercher la réponse.
Il aura fallu l'émergence d'un esprit aussi créatif et habile que maître SEGA pour travailler au corps cette épineuse question et offrir à la société une réponse qui marie harmonieusement l'innocence de l'enfance simiesque aux symboles génitaux les plus saillants.
En voici la dernière itération développée par Ryû ga Gotoku Studio :

L'aventure commence
Le jeu s'ouvre sur le jeune singe AiAi qui profite de la plage avec ses amis. Alors sur le point d'avaler sa savoureuse banane (titre), AiAi se la fait dérober par la jeune singe Palette. S'en suit une instructive course poursuite détaillant les commandes du jeu.
AiAi récupère finalement son bien et apprend de la bouche de Palette qu'il existe la Banane Légendaire qui offrirait à ses possesseurs une source infinie de délicieuses vitamines fondantes et sucrées.
Voilà un bon prétexte pour se lancer dans une longue aventure où AiAi et ses ami.es vont explorer deux cents niveaux, répartis sur dix mondes visuellement uniques.
Trésors convoités, identité mystère, trahison et rédemption jalonneront le chemin de nos héros !
Résumé de la sorte ça en jette grave mais si le jeu fait l'effort de raconter une histoire avec de vraies cinématiques, elle ne dépasse pas l'intensité épique d'un programme pour enfant.
Qu'à cela ne tienne, ce n'est pas insupportable pour autant et les personnages restent mignons et attachants de naïveté (gros cœur sur Palette). On regrettera que le jeu fasse l'économie de voix articulées et se contente de babillages traduits en sous-titres, c'est un peu léger pour appuyer la caractérisation des personnages.
Physic is a bitch
On ne contrôle pas directement son personnage, c'est la gravité qui s'en charge.
Comme dans tous les épisodes de Super Monkey Ball, on change l'inclinaison du sol selon l'endroit où l'on souhaite faire rouler son singe enfermé dans sa boule.
Les déplacements ont donc de l'inertie, alors n'espérez pas un demi-tour instantané ou un changement de direction brutal. Pour cela, il faut profiter d'une accélération due à une pente raide ou une chute suivit d'un rebond sur un obstacle.
Si les chutes sont difficiles à exploiter pour maîtriser sa trajectoire, la présence inédite à cet épisode d'un spindash permet d'enclencher une puissante accélération au sol afin de franchir des obstacles et pourquoi pas... tout un niveau.
Attention cependant, il y a un délai après chaque utilisation, les spindashes ne peuvent être enchaînés et ne fonctionnent qu'au contact avec le sol.
Les niveaux sont de plusieurs types. On trouve des parcours tortueux et étroits, des arènes à énigme ou à jeu d'adresse. Les architectures, parfois mobiles, flottent dans de vastes paysages colorés et peuvent être étudiées ou sublimées via l'options "voir le niveau" ainsi qu'un mode photo (sur simple pression de "X" pendant une pause).
Chaque niveau demande de franchir une petite porte d'arrivée en moins de soixante secondes et la moindre chute vous ramène instantanément au point de départ (tant pis si elle a lieu au pied de la fameuse porte). Votre dextérité et la tolérance de vos nerfs seront mis à rude épreuve pour explorer les dix mondes de ce Super Monkey Ball.
Les premiers mondes sont globalement assez faciles et vous pouvez les aborder instinctivement sans fouiller dans les paramètres de jouabilité ou étudier les compétences des singes disponibles (AiAi, MeeMee, Baby, GonGon, YanYan, Doctor, Palette et cinq autres à débloquer).
Les derniers mondes picotent beaucoup plus et vous commencerez à tripoter les options pour améliorer le confort du jeu : zone morte des sticks, vitesse de déplacement de la caméra, sensibilité... tout est disponible pour adapter les commandes à votre guise et selon vos besoins.
Protips de survie pour vous et vos proches :
Coupez le volume de la voix sinon entendre "Fall out ! Ready... Go !" en boucle va vous casser la tête.
Mettez la vitesse de déplacement automatique de la caméra au minimum pour garder un contrôle quasi-total de cette dernière.
Roule ma boule
Les 100 premiers niveaux sont l'occasion de récolter un maximum de points banane en validant la complétion de chaque monde et en accomplissant les trois objectifs secondaires de chaque niveau : franchir l'arrivée en un temps limité, ramasser un nombre donné de bananes ou ramasser la banane dorée du niveau.
Ces trois objectifs secondaires demandent d'étudier l'architecture et les possibilités de déplacement qu'offre la physique du jeu.
Ramasser les bananes implique de parcourir le niveau et de s'exposer aux dangers plus longtemps sous la pression grandissante du chrono pendant que vous essaierez d'optimiser vos trajectoires afin d'assurer la récolte.
Battre le record de temps demande d'utiliser le spindash au bon endroit, au bon moment avec le bon angle et de faire confiance à votre analyse de terrain.
La banane dorée combine le trajet risqué avec la bonne trajectoire, à la bonne vitesse, au bon moment.
Chaque objectif rempli vous rapporte quelques centaines de points bananes.
Une fois les cent niveaux franchis, vous débloquerez les versions "EX" de ces mêmes niveaux... soit cent de plus, plus durs. Et si vous parvenez à tout franchir, vous aurez la possibilité de tenter le contre-la-montre marathonien "autour du monde", soit la possibilité de faire d'une traite les cents niveaux ("EX" ou non).
Les niveaux "EX" sont plus retors et exigeants. A ce stade, il devient nécessaire de bien choisir son singe en fonction de ses compétences : vitesse, frein, poids, rotation (puissance du spindash et son cooldown).
Ces paramètres sont une nouveauté et ne sont pas là pour faire joli, ils se ressentent très bien manette en main et changent complètement la manière d'aborder les obstacles : un singe lourd est plus maniable sur les corniches mais moins efficace pour survoler une zone après un puissant rebond.
Les pics de difficulté des niveaux "EX" sont aussi plus sévères et si le bon choix du singe avec le bon réglage des paramètres ne vous permettent pas d'avancer, il est possible de tricher pour ne pas être bloqué et finir chauve.
Le moyen le plus "éthique" est d'activer l'aide du jeu qui vous sera proposée d'office après plusieurs tentatives ratées (cette aide est indisponible en "contre la montre").
Ne la rejetez pas tout de suite, la proposition est bienveillante et très efficace. Une fois sélectionnée, une trajectoire idéale vous est affichée avec un fantôme à suivre pour profiter des bons momentums. Un check-point en milieu de parcours est présent et remet le chrono à 60 secondes s'il est utilisé. Et surtout, il y a la possibilité à tout moment de faire un retour arrière pour rattraper une erreur fatidique.
Cette dernière possibilité est très puissante car elle stoppe le jeu et sa physique, laisse la caméra manipulable à volonté et n'a pas de limite d'utilisation.
Un puriste hurlerait que ça tue le jeu (et c'est un peu vrai) mais ça permet à l'impatient et au nerveusement fragile de mieux apprécier la difficulté du parcours et au plus spécialiste de tenter des accélérations/sauts risquées sans avoir à subir le stress d'un laborieux début de parcours.
Je peux vous dire que sans cet outil, je n'aurai vu qu'un tiers du jeu sur une semaine de pratique, alors qu'il me faudrait bien plusieurs semaines pour vraiment maîtriser le jeu sans cette aide. A noter aussi que le jeu ne vous prive pas des nombreux points bananes offerts si vous terminez un des dix mondes en employant cette aide.
Reste enfin la solution la plus radicale et la moins honnête : définir le niveau comme "marqué" et passer au suivant avec votre conscience qui vous hurle : "BOUUUUUUH !!! GROS.SE NUL.LE !!!".
Cela vous coûtera, en plus de votre fierté, une centaine de points bananes et la non validation de réussite du monde exploré... vous empêchant au passage de profiter des milliers de points banane associés à cette validation.
Il n'y a donc pas d'excuse à ne pas voir le bout de l'aventure et ce n'est pas le coût de quelques points bananes qui pourrait vous arrêter. Sauf que...
Le jeu a quand même quelques carottes à échanger contre vos bananes. Les points bananes sont essentiels pour profiter du contenu cosmétique du jeu : fringues, accessoires de décors, apparence de la boule, nouveaux personnages et émoticônes pour vous exprimer en ligne.
La boutique contient 300 items cosmétiques et le jeu propose en plus un petit jardin virtuel pour y faire grandir un plant de bananier mystère en le nourrissant avec vos points durement gagnés.
Et à quoi sert tout ce cosmétique ? A frimer en société pardi !
Casser les boules des autres
Super Monkey Ball Banana Rumble peut se jouer avec vot'z amis ou même t'en famille. Dans tous les modes de jeu jusqu'à quatre sur la même Switch, à deux sur la même Switch, à deux en coopération avec d'autres joueurs en ligne dans le mode histoire, ou seul dans votre salon contre le reste du monde.
Le multi-joueur dans le mode histoire n'a pas vraiment d'intérêt en soi. Si on veut soutenir son camarade de jeu, autant lui emprunter sa manette pour lui accomplir un objectif hors de sa portée. Ainsi ça vous évitera de souffrir de la baisse de rendu graphique (plus ou moins visible selon la taille de votre écran) et d'un framerate réduit.
Car oui, à partir du moment où vous jouez avec d'autres, chez vous comme dans le monde, le jeu vous ramène techniquement en arrière.
C'est assez incompréhensible quand vous vous retrouvez seul dans l'espace d'attente en ligne : c'est littéralement un grand parking vide avec quelques rampes et plate-formes mobiles, crénelées comme de la PS2. Cet aléa graphique est d'autant plus visible si vous jouez sur une grande télé de salon.
Comme on est sur SEGA-Mag et que c'est un site responsable, on va coller ça sur le dos du hardware Nintendo et passer au contenu du mode bataille.
On a le choix de se mesurer aux autres joueurs sur différentes épreuves.
Le "Smash-Robot" permet à deux équipes de huit joueurs de se jeter à pleine vitesse sur des robots immobiles et répartis dans une arène fermée. Plus on va vite, plus on les abîme et plus on rapporte de points à son équipe. C'est un gros défouloir bourrin et coloré disponible sur deux arènes au choix.
Toujours en arène vous pourrez pratiquer la "Chasse à la banane" dans trois environnements différents où il faut ramasser un maximum de bananes en 90 secondes.
Et un jeu de patate chaude appelé "Ba-Boum" où sur deux cartes au choix, vous devrez en cinq manches successives éviter de recevoir ou tenter de refiler une bombe sur le point d'exploser.
Ces deux mini-jeux sont un peu plus subtils grâce à une structure de terrain un plus complexe qui demande plus d'adresse et permet plus de stratégie.
Il y a aussi 5 courses disponibles qui sont de longs parcours du combattant avec de nombreux pièges plus ou moins handicapants qui s'adaptent selon votre position pendant la course, et trois pistes de "Ruée vers le but" où vous devrez traverser des portes rapportant des points à votre équipe.
Ce sont ces deux derniers mode de jeux qui restent les plus riches en termes de stratégie et de fait, les plus intéressants à pratiquer.
Le mode bataille est disponible aussi en solo pour s'y entraîner tranquillement en paramétrant le nombre d'adversaires (jusqu'à 15) mais sans pouvoir modifier leur niveau de difficulté.
En multijoueur local, le nombre de CPU disponible est sensiblement réduit et ce n'est pas un mal. Car à l'instar des Mario Kart, il y a évidemment des cadeaux disséminés sur le terrain qui renferment un tas de saloperies à balancer à la gueule de vos adversaires.
Ce gimmick n'est pas très pertinent dans ce jeu, tant les parcours sont suffisamment complexes pour se vautrer tout seul. Ce parti-pris presque obligatoire d'armer les participants, rend les épreuves en ligne très bordéliques. C'est d'autant plus frustrant qu'on ne choisit pas sur quelle épreuve on va affronter ses adversaires, c'est le jeu qui décide arbitrairement.
En conséquence, il est difficile de profiter pleinement des capacités du singe que l'on aura choisi : si je joue un personnage que je maîtrise sur un terrain long et tortueux, il ne sera pas forcément adapté à une épreuve en arène fermée où tout le monde se rentre dedans.
Pour quand même motiver à se rendre en ligne et y rester, une série de lots est à gagner en grimpant de niveau le temps d'une "saison". Ces lots alimentent les éléments cosmétiques de la boutique qui ne nécessitent que des points bananes pour les acheter.
On peut aussi créer des parties privées si on a la chance d'être populaire et convaincant.e pour entraîner des potes sur ce jeu. Mais sur ce terrain, la concurrence est rude et déjà bien installée.
Super Monkey Ball Banana Rumble en solo est un défi au long cours, très amusant et gratifiant à relever où tout est fait pour vous accompagner dans les moments difficiles. Les environnements traversés sont vraiment chatoyants et les musiques suffisamment entraînantes pour vous encourager à ne pas lâcher le jeu malgré vos nombreuses gamelles.
En revanche son multi-joueur ne fera pas trembler Splatoon, Mario-Kart ou autre Fall Guys. Il a le mérite d'exister et les courses auraient pu faire un jeu à part entière si elles étaient plus nombreuses. Mais l'expérience en ligne n'est pas assez souple et qualitative pour capter des communautés d'autres plate-formes (PC en tête). Cela-dit, à l'heure des patches et mise-à-jour ça peut toujours s'améliorer.
Verdict
Points forts
- Joli sans esbroufes aux environnements variés.
- Durée de vie conséquente si l'on s'y implique.
- Boucles musicales parfaitement adaptée au "die & retry".
- Palette est irrésistible.
Points faibles
- Le multi-joueur techniquement très perfectible.
- L'aventure en multi-joueur peu intéressante en l'état.
- La salle d'attente de connexion avec les autres joueurs complètement osef.
- L'absence d'options online qui tire le potentiel ludique vers le bas.