Test : Football Manager 2016 (Windows, Mac, Linuc)

L'actualité footballistique de cette saison 2015-2016 est nourrie de scandales, de faits divers et de malversations, des plus hautes instances internationales aux terrains amateurs, en passant par la " gestion " financière du RC Lens, l'annulation de la coupe de Grèce pour cause de violences de supporters ou les soirées chicha sans chaperon ni Tony Chapron.

Difficile pour une simulation d'être à la hauteur d'une telle inventivité et d'intégrer les questions de justice et de gestion d'image à ses calculs, surtout quand on utilise les véritables noms des fédérations, clubs, entraîneurs et joueurs.

S'il est en effet rigolo et bon enfant de voir des actions improbables parsemer ses parties de Football Manager, comme un triplé de Marco Verratti, Nicolas Anelka entraîneur de Marseille, Montpellier être racheté par un milliardaire et qui recrute Thomas Müller ou le Pays de Galles vainqueur de l'Euro 2016, il serait plus compliqué de voir des acteurs du football aléatoirement condamnés par la justice dans un jeu vidéo. Surtout qu'aujourd'hui le jeu est de plus en plus médiatisé, des rédactions de tous horizons se prennent au jeu de raconter leur partie ou de calculer le résultat d'une compétition selon FM, de l'Equipe.fr au Figaro.

Car chaque opus de Football Manager est avant tout un instantané de la situation du grand cirque du ballon rond, dont les règles ne changeront pas de toute la partie, qu'elle dure quelques semaines avant votre licenciement ou plusieurs décennies à la tête du même club, le nombre de clubs de chaque division restera invariable, tout comme le nombre de pays qualifiés à la Coupe du Monde ou du nombre de remplaçants disponibles.

Cet insubmersible du paysage vidéo ludique depuis plus de vingt ans est de retour, et si c'est avec quelques mois de retard sur la sortie officielle que nous nous plongeons dans cette version, force est de constater que les développeurs de Sports Interactive n'ont pas révolutionné leur bébé. Comme chaque année, ils se sont contentés de le faire évoluer par petites touches, parfois aussi raffinées qu'un extérieur du pied de Di Maria, parfois aussi subtiles qu'un tacle de Bayal Sall.

Pimp my coach

Commençons par le commencement, la création de partie. La première étape étant bien entendu de créer votre avatar. Et là, c'est le drame. Jusqu'à la version précédente, on se contentait de donner un nom et un passé sportif définissant les caractéristiques et la réputation de son entraîneur ; une évolution intéressante des précédentes versions était d'ajouter ses compétences aux entrainements de son équipe. Mais cette année, cette phase de création m'a causé un fou rire incontrôlable : vous devez maintenant personnaliser votre apparence.

La qualité des graphismes n'a jamais été un des points forts de la série et quiconque ayant déjà vu le visage d'un joueur généré aléatoirement ne peut que s'attendre à ce que cette histoire tourne mal. Si l'idée est louable, le résultat est malheureusement risible. Vous vous retrouvez donc devant un outil de création de personnage encore plus raté que celui de Skyrim, encore que ce dernier ne vous permet pas de choisir si votre avatar porte un survêtement ou une cravate.

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Vous voulez ressembler à José Anigo, en l'honneur des heures les plus sombres de l'OM ? Pas de souci, un chauve en surpoids en survet, c'est possible. Attention toutefois à ne pas le confondre avec Frédéric Antonetti, ça se joue au costume. Si vous préférez la classe internationale de Wenger et ses doudounes légendaires, Sports Interactive a pensé à vous. Plus surprenant, ils ont aussi pensé à ceux qui veulent jouer un clown roux à coupe afro en veste turquoise et pantalon rouge. Pourquoi pas après tout. Mais n'oubliez pas un détail : pendant les matchs, votre avatar gesticulera sur le banc de touche, vous risquez de déconcentrer vos joueurs avec un look improbable, qu'ils vous confondent avec la mascotte du club ou pire, avec Super Victor.

Je conseille également de choisir correctement le nom de son avatar. Si votre carrière dure suffisamment longtemps, le jeu vous offrira peut-être la chance de voir votre fils fictif devenir joueur professionnel, rejoignant des familles légendaires comme Cesare et Paolo Maldini, Carles et Sergi Busquets, Jean et Youri Djorkaeff ou la dynastie Puel. Cherchez l'intrus. En effet, en matière de patronyme, Bogossdu69 joue dans une autre catégorie que les déjà surprenants Kermit Erasmus, Jean-Kevin Augustin et Lalaina Nomenjanahary. Pensez à son avenir.

Vous avez le choix d'entraîner dans cinquante et un pays mais certaines régions sont plus représentées que d'autres. Toute l'Europe est disponible (ou presque mais l'absence de Gibraltar ou d'Andorre ne devrait manquer à personne) quand seule l'Afrique du Sud vous permet de jouer sur le continent Africain. Comparée à l'Asie du Sud-Est avec l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, Hong Kong et Singapour, c'est peu et je ne peux m'empêcher de penser que ces choix sont tout autant affaires de droits (qui privent toujours le jeu des clubs japonais par exemple) que de potentiel de clients...

Au moins, à la FIFA, il n'y avait pas ce genre de considérations, tout le monde avait droit à sa part.

Autre petit cadeau aux fans de tuning, on peut désormais créer un club de toute pièce directement dans le jeu, ce qui n'était auparavant possible qu'en passant par l'éditeur. De quoi rendre les parties multijoueurs encore plus sympathiques.

De l'intérêt de ne pas choisir son effectif avec un périscope

En découvrant son effectif, on constate quelques variations de présentation. Toujours plus d'informations sont disponibles et le partenariat avec Prozone est particulièrement mis en avant lors de la présentation des statistiques en cours de match. Le niveau d'un joueur est davantage conditionné par le rôle qu'il est capable de tenir sur le terrain et un joueur de classe mondiale mal utilisé produira des matchs indigents. Votre tactique sera donc à la base des performances de vos joueurs et à la manière d'un Kaka étincelant au Milan devenu quelconque au Real Madrid, le joueur possédant le plus de qualités intrinsèques de votre équipe n'aura pas forcément sa place dans votre onze de départ.

Si l'apparence de l'outil de création de tactique a été revue, elle ne constitue pas une révolution par rapport à l'année dernière mais la lecture en est facilitée. Ce rendu est cependant moins réussi pour ce qui concerne les coups de pieds arrêtés, mais mettre en place un projet de jeu est une phase essentielle pour réussir dans ce jeu.

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Devrez-vous adapter votre tactique à vos joueurs ou au contraire imposer votre vision envers et contre tout, même vos dirigeants ? Vous avez le choix, étant donné qu'il est possible d'essayer de former ses joueurs à un poste et un rôle, cette option est valable... si ces derniers en sont capables et si le propriétaire du club est suffisamment patient.

Grâce à ces changements, on a davantage la sensation qu'aligner onze cracks sans complémentarité ne vous assurera pas le succès et qu'au contraire, composer une équipe de joueurs moins brillants mais volontaires dans une composition cohérente vous permettra de déjouer les pronostics, à l'image de ce que réussi Leicester cette année en Angleterre. L'observation de futures recrues n'a pas changé dans la forme mais prend encore plus d'importance avec cet impératif supplémentaire.

Profitons-en pour évoquer la base de données, notamment française, critiquée sur les derniers opus : elle est cette fois à jour et c'était un minimum pour une licence comme FM.

Spectacle de marionnettes au Stade de France

Choisir ses joueurs, les évaluer, les renvoyer en équipe réserve parce qu'ils n'ont pas le niveau ou donner sa chance en équipe première à un jeune du centre de formation, c'est bien mais il va maintenant falloir les confronter à la réalité du terrain.

Le moteur de match nous montre toujours plus de détails, de gestes techniques, d'attitudes de joie ou de dépit, s'améliorant visuellement mais l'évolution cette année semble surtout cosmétique. Les joueurs ressemblent toujours à des pantins bizarrement articulés, les gardiens relâchent des ballons que même ceux de Toulouse auraient arrêtés, les joueurs laissent filer des ballons en touche alors qu'un sprint de trois mètres leur aurait permis de les récupérer, mais un peu " moins " qu'avant. Par contre l'influence de la tactique est plus marquée dans le positionnement et l'activité des joueurs, rendant à mon avis personnel l'expérience de ces matchs plus intéressante, une réussite de ce point de vue.

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Les développeurs semblent par contre tenir à conserver une touche d'humour involontaire, ce qui pour un jeu de simulation de chiffres et de données statistiques est une belle preuve d'audace : entre les célébrations de buts où les joueurs semblent subitement atteints de spasmes et dansent chacun de leur côté, quand ils ne font pas des sauts périlleux avant, départ arrêté, les remplaçants qui effectuent leur échauffement littéralement debout sur le banc de touche, les gardiens qui attendent une passe en retrait sans bouger pour laisser l'attaquant adverse marquer face à un piquet...

On se retrouve régulièrement à sourire de l'improbabilité des actions, bien que lors de mon premier match sur terrain neutre, devoir regarder un match où les deux équipes étaient vêtues de leur maillot principal, en l'occurrence jaune pour les deux (parce qu'une finale de Coupe de France entre Orléans et Nantes n'était pas assez incongru), j'ai trouvé que l'humour avait tout de même des limites.

A côté de ça, les tribunes sont de plus en plus détaillées, on voit même les travaux en cours en cas d'agrandissement de la capacité du stade, et petit plus dont j'ai apprécié la présence : la météo évolue en cours de match, les matchs joués l'après-midi au soleil voient l'ombre changer sur le terrain et une pluie diluvienne peut venir s'abattre sur la pelouse pour mieux noyer vos espoirs de victoire.

Au niveau technique, j'ai trouvé FM2016 plus stable, légèrement mieux optimisé que FM2015 qui (sur mon PC) souffrait parfois de petits bugs graphiques.

Ne pas confondre jeunes pousses et têtes de brocoli

Les relations avec les autres acteurs du milieu ont elles aussi légèrement été approfondies mais restent anecdotiques, répétitives et aux effets limités. Comme pour mieux coller à la réalité, elles sont de plus en plus nombreuses et peuvent même avoir lieu juste avant ou après un match. On peut toutefois les confier à son adjoint, qui aura le plaisir de se faire interpeller au sujet de la situation précaire d'un confrère au coup d'envoi d'un match de Ligue des Champions.

Comme d'habitude, en cours de saison, une fournée de joueurs issus du centre de formation de votre club intégrera l'équipe de jeunes et ce sera l'occasion de rêver à l'apparition du nouveau Léo Messi et de finir avec le futur Fabrice Pancrate. C'est aussi le moment d'aller piller les clubs de niveau inférieurs de leurs petites pépites qui éclosent bizarrement plus souvent ailleurs que chez vous. Libre à vous de le faire avec le flair de Wenger ou la voracité du Barça sans risquer de sanctions, la seule difficulté sera de convaincre un talent brut de finir sa formation chez vous, ce qui dépendra de la réputation de votre club.

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Les amateurs de longues parties habitués à ces chasses annuelles à la petite merveille auront le plaisir de découvrir, comme évoqué plus haut, de nouveaux visages et coupes de cheveux pour ces joueurs générés aléatoirement. Aux déjà connues coupes au bol, crânes rasés et autres houppettes viennent s'ajouter (et on se demande si c'était bien nécessaire) les magnifiques crêtes de punkachien et les coupes afro. Une pensée également pour les victimes de ces épidémies de calvitie précoce qui touchent des gamins de quinze ans.

Fallait pas l'inviter

Les options inutiles sont toujours présentes, les modes challenges, FM Classic qui devient FM Touch mais qui reste sans intérêt quand on le compare à la version " normale ", et la boutique, qui propose de payer pour des options déjà débloquées dans le jeu de base (comme entraîner une équipe nationale) ou des cheats, si elle est toujours un appeau à pigeons et une insulte à l'intelligence des joueurs de FM, elle a au moins la décence d'être quasi invisible. Les succès Steam sont identiques ou presque à ceux des versions précédentes, pour ceux qui se font un devoir de les compléter.

Un manque d'audace général pour un jeu de qualité

Au final, cette version 2016, un bon cru ? Difficile de ne pas répondre oui, on a là un opus maîtrisé, qui comblera les fans de la série qui lui pardonnent déjà ses approximations depuis des années. On pourrait lui reprocher que l'interface, si elle est toujours aussi efficace et que l'on maîtrise au bout de quelques instants, pourrait vraiment bénéficier d'une refonte et notamment s'inspirer du système d'onglets des navigateurs internet, ou que la série ronronne, à l'image de véritables évolutions peu nombreuses (et parfois dispensables), ce qui pousse certains fans à ne considérer l'achat que d'une version sur deux. Les joueurs qui commenceront leur aventure avec la série par cette version devraient être pleinement satisfaits de la richesse de sa base de données et de ses possibilités tactiques.

Verdict

8

Points forts

  • Profondeur tactique améliorée
  • Base de données propre et à jour
  • Simulateur de matchs en progrès
  • Une recette sans failles...

Points faibles

  • ...mais peu audacieuse
  • évolutions peu nombreuses
  • Modes annexes et boutique
  • Interface efficace mais un peu vieillotte

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