Test : Eye of the Beholder (Mega-CD)

Suite à la sortie du très bon Dungeons & Dragons : Warriors of the Eternal Sun, c'est un autre titre adapté de la célèbre licence de jeu de rôle traditionnel qui s'offre aux SEGA-fans. Arrivé en 1994, Eye of the Beholder est l'adaptation sur Mega-CD d'un épisode initialement sorti sur ordinateur trois ans plus tôt. Il implémente les règles Advanced, et propose une gestion encore plus poussée, le tout dans un donjon labyrinthique gigantesque. Notre équipe de héros improbables saura-t-elle résoudre les mystères de Waterdeep ?

C'est l'histoire d'une naine, d'un homme, d'une elfe et d'un gnome qui entrent dans une taverne...
 

Une brève introduction fort bien réalisée nous présente l'intrigue globale. Le groupe d'aventuriers que nous allons constituer va devoir explorer les profondeurs de Waterdeep, une grande cité habitée par des hommes. En effet, il semble s'y passer des choses pas très nettes, et notre petit groupe se retrouve investi de la mission d'éclaircir les choses. Le pixel-art est assez chouette durant cette mise en bouche, et le jeu propose des voix de bonne qualité, rendues possibles grâce au support CD.

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La première étape est évidemment celle de la création des personnages, et la bonne nouvelle, c'est que Eye of the Beholder (EoB) offre beaucoup plus de liberté que l'épisode Mega Drive. Il est possible de choisir sa race parmi six (homme, elfe, nain, halfelin, demi-elfe, gnome) puis sa classe. Il est possible de multi-classer certaines races, afin de créer des personnages polyvalents. Les classes possibles offrent là aussi une bonne variété : clerc, voleur, guerrier, mage, paladin, ranger.

Enfin, un autre aspect entre en compte : l'alignement. Cet attribut définit profondément le comportement d'un personnage dans le cadre d'une partie réelle, et il m'a semblé peu utilisé dans le jeu. Quoi qu'il en soit, on peut opter pour la classique combinaison de "vision du monde" et "d'éthique".

À savoir que le premier terme définit de quelle façon notre personnage perçoit le monde et son rapport à la société, et le second définit davantage sa façon directe d'agir. Par exemple, un alignement Chaotique Mauvais indique que le personnage considère ses propres intérêts avant ceux la société et de l'entourage (Chaotic), et qu'il aura tendance à faire des actions en ignorant totalement les autres, et qui vont même à leur encontre (Evil).

J'aurais aimé voir ces aspects influencer le jeu et l'histoire, malheureusement il n'en est rien. Jamais mon voleur ne s'est accaparé d'objet, m'empêchant de les déplacer moi-même dans l'inventaire, et mes quelques rencontres avec des PNJs m'ont toujours laissé le choix de les aider ou non. Prendre en compte ces aspects aurait nécessité beaucoup de travail, mais c'est aussi la promesse faite par un jeu Advanced Dungeons & Dragons (AD&D). Dommage ! Je compte tout de même pousser les expérimentations dans l'avenir, au cas où je découvre quelque chose de nouveau à ce sujet.

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Surtout n'oublie pas tes bottes !
 

Après avoir constitué une équipe équilibrée (incluant un clerc cette fois-ci, classe qui m'avait vraiment fait défaut dans mon aventure précédente sur Mega Drive), la fine équipe entre par les égouts de la ville, et évidemment, un éboulement se produit après son passage, bloquant la sortie. On découvre alors le rendu du jeu. La vue subjective proposée par le titre est belle et détaillée, mais malheureusement, il n'y a pas d'effet de défilement. Vu le niveau de détail des murs et sols, gérer un défilement aurait nécessité un travail conséquent, mais son absence rend l'orientation bien plus difficile.

En effet, lorsque l'on passe d'une image fixe à une autre, on n'a pas le sentiment d'avancer ni de tourner. Le titre comporte de très nombreux pièges, dont certains qui désorientent l'équipe en la faisant tourner automatiquement : autant dire qu'on perd ses repères (il faut constamment surveiller la boussole). Dompter cet aspect du jeu sera indispensable pour en profiter pleinement. D'ailleurs ce n'est pas le seul point à apprivoiser : les contrôles sont ceux d'une souris, et on déplace donc un curseur à la manette constamment.

Le titre est bien évidemment compatible avec la souris SEGA, mais qui utilise encore cela en 2021 ? Je recommande d'augmenter la vitesse du curseur à fond dans les options, et de se déplacer en maintenant START : la croix permet alors de faire avancer et tourner l'équipe, et apporte un confort et une vitesse d'exécution essentiels. Le jeu sur émulateur est une autre option.

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L'avantage de cette gestion à la souris, c'est qu'elle ouvre des tonnes de possibilités de gestion fine. Il est facile de gérer ses inventaires, de passer d'un personnage à un autre, de faire des attaques et d'ouvrir des livres de sorts. Autant d'aspects qui n'étaient pas évidents dans le jeu précédent sur Mega Drive. Ainsi la progression et les combats ont bien plus l'apparence d'un véritable jeu de rôle dans EoB, et c'est très appréciable. Les affrontements ont lieu en temps réel, et seuls les personnages de devant peuvent attaquer au corps à corps. Ils seront aussi bien plus exposés aux attaques. Il faudra prendre cela en compte pour augmenter ses chances de survie.

J'aimerai bien connaître l'architecte de ce donjon !
 

La progression occupe une large partie de notre temps, car le labyrinthe est vaste, tortueux et rempli de pièges et de messages cryptiques. Là encore, on retrouve beaucoup d'éléments d'un véritable jeu de rôle, même s'il est parfois compliqué de comprendre certaines énigmes. Un autre point très réussi est que tout ne se résout pas systématiquement d'une seule façon. Il ne faut pas forcément ouvrir chaque porte fermée à clef : on arrivera parfois à trouver un autre chemin.

Les clefs sont précieuses et il n'y a pas forcément une clef par porte qui plus est… Mais mieux encore, un voleur pourra crocheter la serrure, ou un guerrier pourra peut-être tout simplement forcer la porte. Peut-être uniquement après avoir bu une potion de force. Il faudra aussi rester à l'affût des petits boutons cachés dans les murs, les passages secrets étant légion. L'expérimentation sera de rigueur, et sera en général récompensée.

S'étalant sur douze niveaux, le dédale commence en douceur, puisque l'on visite un étage, puis on passe au suivant. On se dit alors "ça va être un étage puis un autre, tranquille". Jusqu'à ce que l'on tombe dans un trou, et qu'on se retrouve à l'étage du dessous, entouré d'araignées. À partir de ce moment-là, la panique s'installe. Les étages sont immenses, les cartes souvent bien cachées, et le jeu s'amuse ensuite à nous balancer des escaliers qui montent et qui descendent de tous les côtés, sans pour autant nous donner la fameuse carte.

Les étages peuplés par les elfes noirs sont un enfer, au bon sens du terme, et on est complètement perdu. À cela s'ajoutent des téléporteurs, que l'on débloque progressivement, et qui font passer d'un étage à un autre. À ce niveau, le jeu est vraiment très bien conçu.

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Heureusement quelques événements ponctuels nous aident à savoir que l'on est sur le bon chemin. À plusieurs reprises, des scènes offrant de superbes images et des voix digitalisées font avancer l'histoire, et permettent de faire quelques choix. C'est plutôt bien vu, et rien que pour ces quelques moments, on a envie de refaire le jeu pour voir ce qui change. On récupérera ainsi de nouveaux alliés, peu utiles au combat car situés dans la ligne du fond, et qu'il faudra en plus nourrir (car on doit gérer la faim dans EoB, un autre aspect plutôt sympathique qui ajoute à l'immersion).

On peut alors se poser la question de l'utilité de le prendre dans l'équipe… Mais c'est aussi ça un jeu de rôle traditionnel, la moindre action n'active pas un flag qui fait avancer l'histoire à coup sûr. Et pour tout vous dire, c'est le petit apprenti nain qui n'avait jamais servi à rien qui a porté le coup fatal contre le boss final, les cinq autres personnages étant morts avant lui. Donc le nourrir pendant près de la moitié du jeu n'aura pas été vain. Et ça, c'est typiquement le genre d'expérience unique et mémorable que procurent les jeux de rôle traditionnels.

Mega-CD : Welcome to the next level
 

La partie sonore est de très bonne facture. Les ennemis sont audibles à distance, et plus ils sont proches, plus les bruits de leur déplacement sont forts. Cet élément est essentiel pour ne pas se faire surprendre, et il compense le manque d'animation de leurs déplacements. Il faudra de toute façon sauvegarder, et se reposer souvent. La bande-son est signée Yuzo Koshiro, et à ma grande surprise, le portage de ce jeu sur Mega-CD a été réalisé par une équipe japonaise. Elle est en décalage total avec l'univers, puisqu'il propose ici des thèmes plutôt techno. Le premier thème très rythmé cède sa place à des compositions plus atmosphériques par la suite, et j'ai trouvé au final cette BO très agréable pour parcourir cet immense donjon.

La réalisation générale est d'ailleurs très bonne, avec des visuels adaptés au support et qui n'ont rien à envier aux autres versions (PC, SNES, PC-98). Cette version Mega-CD est de loin la plus belle. Les visages des personnages sont réussis, l'interface également en plus d'être bien lisible (le jeu utilise la résolution 320x224 de la console), et les décors du donjon sont colorés et détaillés. Les ennemis sont également très gros, et les sorts profitent de petites animations sympas. On est face à un jeu qui exploite très bien toutes les forces de son support. Du bon boulot.

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Au final, le seul véritable défaut du titre est son aspect inévitablement old-school. La mort peut survenir très vite. Au sixième étage, on rencontre un boss au détour d'un couloir, de manière imprévisible. L'expérience est traumatisante, et je vous le répète : sauvegardez souvent, et notamment, à chaque changement d'étage. Il y a aussi une partie assez éprouvante contre des araignées qui empoisonnent : on finit par trouver des potions de soin, mais uniquement bien plus tard dans l'étage. Le clerc sera alors bien utile, avec son pouvoir Slow Poison. Ce genre d'événement contribue à créer une aventure éprouvante et marquante, contrairement aux autres jeux où en général tout état anormal est soigné immédiatement, et on retourne à la routine habituelle. Le jeu étant un peu ancien, on peut aussi abuser quelque peu de ses mécaniques, par exemple il suffit de refermer une porte pour s'isoler d'un ennemi, et on a alors le temps de se reposer avant de reprendre le combat.


Si vous cherchez un jeu d'aventure pour votre Mega-CD, Eye of the Beholder est un très bon candidat. Adaptant les règles d'Advanced Dungeons & Dragons autour d'un scénario original, le titre nous plonge dans un donjon en vue subjective qui s'étale sur douze étages. La création de personnages est riche, la progression variée avec de nombreux éléments qui nous ramènent à des aventures traditionnelles du jeu sur table. La gestion de l'équipe et des combats est très réussie, avec de multiples possibilités pour le joueur. La réalisation est en plus soignée, avec de superbes visuels, une bonne ambiance sonore et une bande-son signée Yuzo Koshiro un peu déroutante, mais qui donne un peu plus de cachet à l'expérience. Eye of the Beholder est un incontournable du support, que je vous recommande vivement.

Verdict

8

Points forts

  • Nombreuses possibilités de création de personnages
  • Variété des situations dans le donjon
  • Partie gestion/inventaire très riche
  • Réalisation visuelle et sonore
  • Level-design démoniaque

Points faibles

  • Pas d'effet de défilement
  • L'alignement peu/pas exploité
  • Difficulté old-school, pensez à sauvegarder

Commentaires

Là je retrouve davantage les mécanismes de mes parties de D&D ! Le fait qu'on n'ait pas systématiquement de carte est vraiment bloquant pour moi, mais le jeu a l'air solide.
Je me souviens que le jeu avait une excellente réputation à l'époque. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire, mais il m'aurait bien tenté.
Merci pour le test complet
Super jeu en effet, et je l'aime autant que l'opus MegaDrive. Ces deux jeux, avec les deux jeux Dune, ont été de belles expériences occidentales sur MegaDrive et Mega-CD ces derniers mois. Du bon boulot !