Test : Shin Megami Tensei V (Switch)

Il aura fallu attendre quatre ans pour pouvoir enfin mettre la main sur Shin Megami Tensei V, dont l'annonce avait été faite quelques mois après la sortie de la Nintendo Switch. Dans cette série emblématique d'Atlus, le joueur est plongé dans un monde chaotique, déchiré par les conflits entre les anges et les démons. Le tout est saupoudré du savoir faire d'Atlus en matière de RPG, ainsi que d'une patte artistique unique. Après la mise en bouche que fut la ressortie d'un grand classique de la série, Shin Megami Tensei III Nocturne, voyons sans attendre si la Switch accueille un nouveau titre à la hauteur de cet héritage...

L'open-world réinventé ! Non je déconne...
 

Shin Megami Tensei V (SMTV) démarre d'une façon habituelle pour la série. Le personnage principal (que l'on peut nommer) est un jeune lycéen (franchement androgyne au passage) qui vit sa vie tranquillement à Tokyo. Une poignée de personnages gravitent autour de lui et sont rapidement présentés, avant qu'un élément perturbateur de grande ampleur ne vienne plonger la ville toute entière dans un chaos complet. Notre personnage se réveille dans un Tokyo enseveli sous le sable, ce qui rappelle énormément l'univers de Nocturne au passage, et fusionne avec un démon venu de nulle-part dans le but de survivre. Bien évidemment, les éléments du scénario expliquent tout cela, mais je ne vais pas dévoiler l'intrigue.

Cette phase d'introduction est bien réalisée, mais elle est quelque peu expédiée, ce qui m'a laissé sur ma faim. Les autres personnages avaient été montrés à peine quelques secondes avant cette immersion dans le monde chaotique... Cette tendance s'est cependant vérifiée tout au long du jeu, qui relègue au second rang la narration. Cela étant dit, les quelques scènes qui ponctuent l'histoire sont vraiment bien réalisées, et il y a quelques moments et personnages vraiment très marquants. Et ce n'est pas le seul changement notable, car de toute évidence, Atlus étaient bien décidé à faire évoluer la série...

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J'ai passé les huit premières heures du jeu à écumer une zone ouverte plutôt grande. Vous avez bien compris, les donjons, c'est fini (enfin presque). SMTV a cédé à l'appel de l'open-world, pour le meilleur et pour le pire. Les joueurs qui étaient très attachés à la progression presque claustrophobique des anciens donjons, remplis de pièges vicieux, ne retrouveront pas cette composante. Et par la même occasion, c'est tout un panel d'émotions qui disparaît avec, et en particulier la peur de toujours aller un peu plus loin tandis que l'équipe entière est sur les rotules. Car qui dit monde ouvert, dit ennemis visibles. L'épée de Damoclès ne menace plus sur le joueur, qui n'a jamais été autant en sécurité dans un jeu de la série. Mais cela ne veut pas dire que l'expérience est moins bonne. Elle est simplement différente.

Sonic speed + épée de Guts + GPS Ubisoft
 

SMTV est découpé en quatre grandes zones construites sur le même modèle, qu'il faudra explorer afin de progresser. Toutes dépeignent un Tokyo en ruines, recouvert de sable, avec quelques différences d'ambiance plutôt mineures. Certaines zones sortent tout de même du lot, notamment le village des fées. Des évènements ponctuels ont lieu à des passages obligatoires, faisant avancer l'histoire. Au final, tout n'est que prétexte à explorer, et c'est bien normal : on est là pour ça !

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La carte présente de grandes zones rouges dont les détails géographiques sont peu visibles. Il faudra y trouver des nids d'où les démons émanent, appelés Abcès, afin d'y effectuer un combat un peu plus difficile et dévoiler la région. Ce processus sera à répéter de nombreuses fois. Des démons amicaux confient également des quêtes, qui rapportent beaucoup d'expérience. Ces dernières consistent en général à aller vaincre certains démons ou récupérer des objets, rien de transcendant. De nombreux démons très puissants sont aussi placés par endroits, et seront vaincus plus tard.

Qui dit monde ouvert, dit ramasser des machins tous les trois mètres. Et évidemment, SMTV ne fait pas exception. Le monde est rempli de trucs pour nous inciter à explorer, et on finit par tout ramasser machinalement. Il y a notamment des bonhommes rouges à trouver un peu partout, qui débloquent des points de compétences. Ce sont ce que j'appelle des activités de "coloriage" habituelles pour ce genre de game-design.

La navigation dans le monde est extrêmement aisée. Notre héros fusionné, appelé Nahobino, peut courir à une vitesse ahurissante. Pour entamer les combats, il dispose d'un coup d'épée qui balaye une zone conséquente. Très rapidement, on débloque la possibilité de revenir au dernier point de sauvegarde par un simple appui sur le bouton L. Et comme on peut esquiver tous les ennemis, on se retrouve dans un monde facile à explorer sans le moindre danger qui plane. La carte, plutôt bien faite, est également remplie de dizaines d'icônes indiquant la moindre chose.

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Finalement, ce design en monde ouvert est la continuité de ce qui avait été démarré avec le quatrième opus, sur Nintendo 3DS, où les ennemis étaient là-aussi visibles et les régions légèrement plus ouvertes. Les designs des donjons à l'ancienne n'auraient de toute façon pas fait mouche à notre époque, il faut se rendre à l'évidence. Il y en a tout de même deux conséquents, en seconde moitié de jeu, mais avec des ennemis toujours visibles, bien évidemment.

Si je te file un choco périmé, tu veux bien rejoindre mon équipe ?
 

Un aspect bien connu de la série est la gestion des démons. On peut recruter tous les démons que l'on affronte et les faire fusionner pour en créer de plus forts. Il est essentiel de pratiquer ces activités très régulièrement afin de conserver une équipe performante, et la solution ne vient en général pas du gain de niveaux, mais plutôt d'une remise en question de son approche avant un combat difficile.

La négociation avec les démons m'a paru d'une simplicité enfantine. Il faut dire que cette partie était particulièrement pénible auparavant, puisque c'était fondamentalement du tirage au sort. Les démons sont désormais bien moins réticents à rejoindre le Nahobino, ce qui est un bon point à mes yeux. Un autre aspect qui a été adouci, c'est la gestion des sorts Mudo et Maha, qui historiquement pouvaient tuer en un seul coup. Ce n'est désormais vrai que si la cible est vulnérable à ces attaques, ce qui, là encore, supprime une menace importante sur le joueur.

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Au niveau des mécaniques, on notera la présence de compétences passives à débloquer avec des points qui sont obtenus en explorant les lieux. Ces dernières permettent de simplifier encore plus notre progression, avec par exemple la possibilité de permettre aux démons d'utiliser des objets, ou la récupération de HP et MP au début de chaque tour si la jauge de Magatsuhi est pleine. Cette jauge est d'ailleurs une nouveauté, qui permet d'aligner les critiques non-stop pendant un tour. Pour rappel, les critiques permettent de gagner une action supplémentaire dans la série SMT, et sont donc essentiels. Bien évidemment, les ennemis profitent aussi de cette possibilité.

Les buffs et debuffs (sorts permettant d'augmenter ou de baisser les caractéristiques) ont toujours été au coeur de la série, et il faudra en abuser. Un autre élément a pris beaucoup d'ampleur : c'est la possibilité de parer totalement des attaques d'un élément donné via l'utilisation d'objets. Il sera indispensable d'en faire des stocks auprès du marchand, afin de se protéger contre les boss quand ces derniers auront accumulé du Magatsuhi.

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Vous l'aurez compris, SMTV a totalement transformé son approche pour devenir un jeu plus accueillant. Chacun se fera son opinion, car de toute évidence, les changements sont conséquents. En ce qui me concerne, j'apprécie le changement et j'ai bien aimé la proposition, même si elle ne gagnera pas de médaille pour l'originalité de son world-design. Quoiqu'il en soit, le jeu reste le digne héritier de la série, et la mort survient très rapidement, et parfois, sur un coup de malchance. Mais c'est tout de même bien moins fréquent que dans SMT IV par exemple. Et pour ceux qui le souhaitent et qui ont du temps libre à revendre, un mode Difficile bien abusé existe. Les choix dans les conversations font aussi partie de l'expérience, servant à exprimer son alignement (plutôt ange, démon ou neutre) mais ceux-ci n'ont pas de réelle répercussion, puisqu'un ultime choix est de toute façon proposé en fin de jeu (modifiant les derniers combats), peu importe ce que l'on a pu répondre avant.

Tonton pourquoi tu tousses ? J'ai attrapé une Engine.
 

Avec sa proposition plus ouverte et moins rebutante, SMT V a tout pour plaire aux nouveaux venus. Je serai moins catégorique pour les anciens joueurs, même si l'expérience est indiscutablement très bonne. Mais pourquoi diable Atlus se sont-ils infligés l'Unreal Engine sur un jeu exclusif Nintendo Switch ? Tout autre moteur maison aurait pu faire l'affaire, surtout quand on voit le niveau de détail du monde extérieur, rappelant franchement l'époque de la PS2. Des buildings tout carrés, couchés ou de biais, des routes et pour le reste, un désert statique. Alors certes, le champ de vision est raisonnablement grand, mais les éléments de décors sont affreusement basiques. Ce qui laisse songeur quant à l'idée d'utiliser ce moteur hyper gourmand, et qui n'a jamais ébloui sur cette pauvre Switch.

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Pour avoir fait le jeu sur Switch Lite (j'ai lu que le rendu sur TV est encore pire), les visuels m'ont particulièrement déçu. Tout est observé au travers d'un filtre flou immonde, à cause d'une résolution de toute évidence très faible. Le framerate est asthmatique, et la moindre rotation de caméra dans un lieu un peu chargé s'en trouve hyper saccadée. Le problème c'est que l'on explore désormais un monde ouvert, il faut donc ouvrir l’œil constamment, et on passe son temps à tourner la caméra dans tous les sens pour justement ne rien rater, ce qui n'est pas franchement agréable dans ces conditions. Pouvoir dézoomer aurait été appréciable également. Même le menu, sobre et fonctionnel, arrive à ramer. On n'a pas besoin de jeux avec des modélisations incroyables et des animations hyper complexes, mais offrir une image nette et un framerate stable, c'est la base du confort de jeu. Espérons que ce choix conduise à l'arrivée du jeu sur d'autres plateformes, c'est la seule raison que je vois pour le justifier.

Ce qui est vraiment dommage, c'est que le design des démons se retrouve gâché par ce rendu indigent. Car on le perçoit tout de même un peu : ils sont fantastiques. Entièrement refaits en 3D, les designs semblent être merveilleux et gorgés de détails. Je ne pensais pas qu'Atlus réussiraient un tel tour de force sur une première expérience avec ce moteur. Mais on ne peut jamais vraiment l'observer pleinement, puisqu'en dehors de quelques superbes vidéos (voir l'image de Sophia), tout le jeu est affreusement flou. La partie sonore est elle aussi d'une qualité incroyable, avec des musiques d'ambiance fantastiques, un énorme soin au niveau des bruitages (qui sont limpides) ou encore du doublage et des nombreux effets appliqués sur les voix selon les démons. Il est indispensable d'opter pour des écouteurs en mode portable, sinon l'ensemble paraît étouffé.

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Shin Megami Tensei V transforme la série avec brio. Le titre met de côté certains aspects de design archaïque pour une approche ouverte en phase avec les attentes de notre époque. De nombreux aspects ont également été adoucis pour favoriser une expérience agréable et davantage sous le contrôle du joueur. La réalisation artistique est phénoménale, aussi bien au niveau du design des personnages et des démons, que de la bande-son. La seule ombre au tableau est au final la réalisation technique, sous Unreal Engine, qui est catastrophique sur Nintendo Switch. Un sacré gâchis, qui empêche d'apprécier pleinement le travail artistique incroyable en plus de rendre l'exploration désagréable. Si votre seuil de tolérance à ces tares techniques est suffisamment élevé, vous passerez un excellent moment sur cet exigeant RPG. Il n'y a qu'à espérer que SEGA mettent en application leur politique multi-plateformes, et proposent le titre sur PC, Playstation et Xbox pour une expérience optimale.

Verdict

8

Points forts

  • Le design des démons
  • La bande-son
  • Une approche moderne globalement plus agréable
  • Système de combat toujours efficace

Points faibles

  • Visuels franchement flous
  • Framerate asthmatique
  • Un tel gâchis m'énerve !

Commentaires

Merci pour le test Cireza !

Pour ma part j'y joue en mode dockée et l'image est vraiment largement mieux qu'en mode portable sans comparaison possible.
Tant mieux si tu y trouves ton compte, mais personnellement je ne pense pas que je partagerai ton avis. Plus l'écran sera grand, plus les problèmes seront visibles. Jouer en mode portable est la meilleure façon de jouer à la Switch (un avis partagé par pas mal de monde), cela gomme énormément de défauts.
En général c'est souvent mieux en mode portable effectivement ! Sur SMT V c'est vraiment le jour et la nuit par contre. J'avais commencé à jouer en docké puis après une bonne session de 2/3hrs il m'a pris d'aller m'asseoir ailleurs, hé bien après quelques secondes de jeu je suis vite retourné devant la télé !

Cela dit je partage ton avis, je me demande pourquoi ils n'ont pas simplement réutilisé le moteur de IV et juste passé la 3D en HD par exemple, enfin bref!