Test : Like a Dragon Ishin (PS4, PS5, Xbox, PC)
Test réalisé sur Xbox Series X
Le voilà ! Neuf ans après sa sortie initiale sur Playstation 4, après des années d’attente, de conjectures, de sondages redonnant espoir aux fans le pendant quelque semaines, Ryu Ga Gotoku Ishin !, le second spin-off historique de la saga formerly known as Yakuza, arrive enfin en occident. Dans une version remaniée, traduire en français, et avec beaucoup de questions dans son sillage. Alors prêts ? Hajime !
Attention chérie, ça va trancher !
Japon, 1866. Depuis la fin de la période Sengoku, en 1603, le pays est dirigé par le shogunat Tokugawa. Son autorité est fondée sur un système de castes très strict, plaçant les samouraïs au sommet de la hiérarchie. L'empereur, qui réside à Kyoto, reste le chef légitime du Japon, mais c’est bien le shogun, qui est lui à Edo (ancienne Tokyo), qui gouverne le pays.
Ryoma Sakamoto revient dans sa province de Tosa, après une année passée à perfectionner sa technique de combat au sabre à Edo. Il retrouve là-bas son frère de sang, Takechi, et son père adoptif, Yoshida, qui appartiennent tous les deux à la faction loyaliste de Kinno-to, qui veut remettre l’empereur au pouvoir et mettre fin au shogunat. Lorsque Yoshida se fait assassiner par un mystérieux bretteur masqué, Sakamoto quitte Tosa pour le retrouver. Ses recherches l’emmènent à Kyo (ancien nom de Kyoto), où pour mener son enquête, il va devoir infiltrer les forces d’élite du shogunat, le Shinsengumi, sous une fausse identité : Hajime Saito.
Les Yakuza ont toujours eu une dimension politique, avec moult complots, dirigeants corrompus, et autres malversations au plus haut niveau de l’état. Like a Dragon : Ishin ! ne déroge pas à la règle, d’autant plus que le contexte historique mouvementé y est propice. La majorité des protagonistes sont des figures historiques réelles, qui ont réellement pris part aux évènements du Bakufu (la fin du shogunat Tokugawa), et qui sont “interprétés” par les personnages des différents épisodes de la saga Yakuza. Un peu comme si un jeu nous permettait d'incarner et de croiser plusieurs figures de la Révolution Française, ou, plus rigolo, la guéguerre autour de la succession de Charles VI pendant la Guerre de 100 ans. Remaster oblige, le jeu original a été quelque peu mis à jour, et on retrouve des têtes connues issues de jeux sortis après 2014, ce qui est assez ludique pour peu qu’on soit un amateur assidu de la saga.
La formule de la série n’a pas changé : Ishin est un jeu d’aventure en “zones ouvertes”, mâtiné d’une bonne dose de combats en temps réel. La zone de jeu principale est l’ancienne Kyoto, aux alentours de la rivière Kamo et du quartier bien connu de Gion, que l’on parcourt à pied, katana à la ceinture, naviguant d’un interlocuteur à l’autre, de magasin en restaurant, alternant entre notre quête principale et des quêtes annexes assignées par des PNJ qui, décidément, ont des vies bien compliquées. Vous allez devoir fournir un petit garçons en légumes, que sa mère lui refuse, aider une petite mamie à faire des courses, empêcher de étrangers en goguette de se faire assassiner - c'était la mode à l'époque, nourrir un jeune prodige du sumo pour lui permettre de gagner des combats, traquer des criminels recherchés, et j’en passe.
Ces quêtes annexes ne sont pas aussi loufoques que celles qu’on trouvera dans des jeux sortis plus tard, mais elles s’inscrivent bien dans leur époque, et surtout dans le contexte de notre intrigue : en intégrant le Shinsengumi, Sakamoto Ryoma devient une figure d’autorité (contestée, crainte même, mais tout de même), et il est bien naturel qu’il aide la population à résoudre ses petits tracas. Il arrivera même qu’on vienne nous chercher pour tabasser des malfrats. Fréquenter assidûment certains commerces et répondre de façon répétée aux requêtes de certains PNJ permet de faire grimper une jauge d’amitié, ce qui octroie en général un objet en récompense.
Il y a énormément à faire dans Kyoto. L’aire de jeu est vaste et assez dense, et on trouve des activités littéralement à chaque coin de rue. On peut pratiquer la pêche en rivière ou en pleine mer, s’entraîner au combat dans une maison d’épouvantails, apprendre de nouvelles techniques auprès de grands maîtres, jouer au mahjong, au shogi, et à différents jeux de cartes et de dés, pousser la chansonnette dans des “maisons de chant”, fréquenter des geishas, parier sur des courses de poulet, et même apprendre la danse. Pour vous délasser et oublier un peu le stresse de votre enquête, vous pouvez cultiver votre jardin et cuisiner dans une maison de campagne. Et, évidemment, mener des missions de maintien de l’ordre en compagnie de vos troupes du Shinsengumi. Quasiment toutes vos activités vous octroient de la Vertu, qui peut être échangée dans des temples contre différents bonus et objets, comme la possibilité de courir plus longtemps sans s’essouffler, par exemple. Le contenu du jeu est conséquent : comptez une bonne trentaine d'heures pour arriver au bout de la quête principale en ayant complété 40% environ de ce que le jeu propose.
Les rues de Kyo ne sont pas sûres, et pour les affronter, Sakamoto peut utiliser 4 styles de combat : en mode Bagarreur, il ne se sert que de ses poings, ce qui est vraiment peu efficace, ou une arme spéciale, en générale lourde et peu maniable, et qui n’octroie pas d’XP de style. En mode Tireur il utilise uniquement un pistolet, qu’on peut équiper de balles spéciales pour faire plus de dommages. Le style Bretteur est celui que vous utiliserez le plus, et vous fait manier le katana comme personne. Enfin, le style Danseur Endiablé combine arme à feu et sabre. Idéal dans la mêlée, il inflige cependant moins de dégâts que le style tireur ou bretteur, et vous laisse sans garde.
Chaque style possède son propre arbre de compétences, bien que le terme soit un peu surfait : en pratique il faudrait plus parler d’une “spirale de compétences” avec quelques courts embranchements. En combattant on débloque des orbes spirituels qui sont soit utilisables partout, soit dans un style en particulier, et qu’on peut échanger contre de nouveaux coups, ou des bonus de vie ou de dégâts, par exemple. Malgré tout, les combats sont moins variés que dans les autres épisodes de la série, le style bretteur étant clairement le plus efficace dans la majorité des circonstances, et on ne débloque pas beaucoup de Heat Actions. Ils restent satisfaisants, et quoi qu’il en soit, manier le sabre change de la baston à mains nues, mais c’est un peu répétitif.
Si tu vas à Kyooooooo…
Après avoir intégré le Shinsengumi, on obtient assez rapidement un autre moyen de booster nos capacités : des escouades, symbolisées par des cartes de compétences, qu’on peut assigner à chacun de nos styles. Chaque soldat enrôlé possède une capacité ponctuelle, qui peut être activée à la demande, et, s’il est nommé Caporal, une action continue. Il peut s’agir de soins, de bonus offensifs ou défensifs, de coups spéciaux, etc. Chaque soldat équipé augmente également notre barre de vie. Après chaque combat les soldats gagnent de l’expérience, leur niveau maximum dépendant de leur classe de carte. Il y a tout un système de promotion et de fusion de cartes pour gagner en puissance, ce qui est surtout utile dans les missions de donjons qui seront votre principale source de revenus et surtout de matériaux.
Car la troisième façon d’augmenter votre force de frappe est de forger de nouvelles armes. Sur la base d’une arme existante, et en utilisant des matériaux plus ou moins rares, et une somme d’argent plus ou moins conséquente, vous pouvez forger des katanas, pistolets et pièces d’armure. On est très proche du système de craft de Yakuza : Like a Dragon, puisqu’on peut aussi améliorer la forge, et il est aussi possible d’ajouter des sceaux à notre équipement pour lui donner des capacités spéciales.
On touche ici à un des soucis du jeu : la forge ne sert pas à grand chose. Les armes que l'on peut forger au début du jeu sont vite supplantées par celles droppées par les boss, et pour accéder à des armes de plus haut niveau, il faut augmenter le niveau de la forge, soit en forgeant (ce qui coûte beaucoup d'argent), soit en faisant don de votre équipement (mais il sert de base pour en créer de nouveaux, donc c'est contre-productif). Résultat, on fait quasiment tout le jeu avec des armes obtenues gratuitement, éventuellement ornées de sceaux pour avoir un petit bonus, et c'est tout.
C’est dommage, parce qu’on sent qu’il y a eu une vraie réflexion autour de l’écosystème du jeu. Toutes vos activités annexes s’articulent de façon logique autour de votre quête principale : les missions de raid du Shinsengumi, les combats de rue, les substories et la culture de vos légumes vous rapportent l’argent nécessaire au craft de vos armes, et les plats que vous cuisinez sont le moyen le plus efficace de vous soigner. Mais là encore, quand vendre 10 carottes vous rapporte 1000 mon, alors qu’un sabre un peu sympa coûte à minima 5 ryo (avec 1 ryo = 10 000 mon) et que 10 balles de revolver en coûtent 11, mais qu’une soirée chez une geisha en coûte 1… hé bien on doit compter ses sous. Vers la fin du jeu, votre ferme et les combats rapportent davantage, mais à ce moment-là on est plutôt incité à boucler la quête principale.
En fait, on a un peu l'impression que le système de forge n'existe que dans l'optique d'un New Game + en difficulté Légendaire, qui nécessite d'optimiser son équipement offensif et défensif contre des ennemis puissants et résistants. Idem pour les activités ludiques les plus coûteuses, qu'on est bien plus enclin à tester lorsqu'on n'a plus de crédit à payer…Yakuza 0 permettait de toucher des revenus réguliers soit par un mini-jeu vraiment accrocheur (le cabaret), soit en s'épargnant de faire du micro-management à l'excès (l'agence immobilière). Il manque un système similaire dans Ishin pour permettre de se faire davantage plaisir. Reste la possibilité de faire de grosses pauses dans l'intrigue pour se consacrer au gonflement de notre épargne, mais cela nuit au rythme de l'aventure.
C’est bien le seul défaut qu’on peut faire au jeu concernant son univers et tout l’aspect intra diégétique. Les activités sont nombreuses, variées, bien réparties à la fois dans l’espace et dans le temps, et tout le contenu annexe est bien intégré à la trame principale. Ryoma Sakamoto n’est pas Kazuma Kiryu, c’est un homme de son époque, et il y a moins de décalage de ton entre les quêtes principale et secondaire que dans la série canonique, mais ce n’est pas un problème : cela rend l’univers cohérent, et ça n’empêche pas le jeu d’être régulièrement très drôle, même s’il est globalement un peu moins loufoque que les derniers épisodes en date.
Le gros point fort de Ishin, c’est son histoire. Plusieurs épisodes de la série Yakuza souffrent d’un gros problème narratif, avec une écriture épisodique très efficace, mais une trame globale qui peine à raccrocher les wagons et dont les enjeux deviennent à la limite du compréhensible (si vous avez compris la trame de Yakuza 3, 4 et 5, merci de nous écrire). Ce problème est à peu près résolu depuis Yakuza 0, et dieu merci Ishin n’en soufre pas.
Le fait de se baser sur des évènements historiques joue certainement, mais les personnages sont bien caractérisés, les enjeux sont bien posés, et les différents rebondissements (et il y en a !) relancent suffisamment l’intrigue sans verser dans l’excès - enfin, à l’échelle d’un Yakuza - ou dans des circonvolutions incompréhensibles. La situation est toujours claire, l’alignement des personnages bien défini, même sans rien connaître du contexte historique. Le nombre important de protagonistes et de retournements de situation donne l'occasion aux personnages de revenir sur les évènements en cours, sans que ça ne semble jamais artificiel ou lénifiant. Pour nous aider, le jeu propose cependant un petit glossaire et son classique guide des personnages pour dépatouiller tout ça. On a clairement affaire à une des meilleures intrigues de la série, tous épisodes confondus, même si elle a un peu tendance à trop s'étirer sur la fin.
Pas de dragon dans le moteur
C’est une première, Like a Dragon : Ishin ! ne tourne pas sur un moteur maison, mais sur l’Unreal Engine. Cette annonce était plutôt surprenante, le Dragon Engine ayant largement fait ses preuves, aussi bien pour son rendu des environnements urbains que pour les modèles de personnages, et surtout les visages, qui sont un des gros points forts de la série depuis longtemps. Pourtant, il faut reconnaître que l’UE fait assez bien le taf. Kyo est magnifique, de jour comme de nuit et pleine de vie : les couleurs sont vibrantes, on croise des badauds, des colporteurs, des habitants se promènent avec leur chien, des commerçants haranguent le chaland, des enfants jouent dans la rue… On lit et on entend ici et là des portions de dialogue, et même les critiques des gens lorsqu'on refuse d'intervenir dans un conflit ! C’est un plaisir de s’y promener, une fois qu’on s’est habitué au déplacement un peu rigide de Sakamoto.
Du côté de la modélisation des personnages, le constat est plus mitigé : globalement tout va bien, la plupart des modèles sont réussis, Sakamoto le premier, même si ça fait un peu bizarre de revenir à l’ancien visage de Kiryu. Mais certains protagonistes ne se ressemblent pas tout à fait, et deux ou trois “trognes” issues de jeux récents sont carrément loupées. J’ai eu aussi l’impression qu’on ne retrouvait pas tout à fait la “lueur” dans le regard des personnages qui fait habituellement toute la différence avec les jeux d’autres éditeurs.
C’est aussi le retour - à ma grande joie - des cinématiques, dont la mise en scène tabasse toujours autant, et tant pis si le retour au moteur du jeu en temps réel se fait un peu trop remarquer. S’il fallait comparer Ishin à d’autres épisodes, on serait plus proches de Yakuza 0 que de Yakuza 6 ou Yakuza Kiwami 2. D'ailleurs la différence avec le jeu original est visible, mais pas spectaculaire : les textures sont plus détaillées, les couleurs plus vives et saturées, et voila.
Au niveau purement technique, on regrettera des textures qui mettent un peu de temps à s’afficher lors des changements de plans, ce qui est un peu gênant au niveau des visages, et un framerate qui peine à rester à 60 FPS en ville. Rien de méchant, mais c’est quand même notable, et aucun mode “performance” ne permet de faire des concessions à l’affichage pour garantir un framerate stable. Notez cependant qu’un patch day one est prévu, et corrigera peut-être certains de ces défauts.
Un mot sur les options d'accessibilité, qui sont enfin à peu près à la hauteur de ce qu'on est en droit d'attendre de nos jours : il est possible de modifier le comportement à adopter lors des QTE, par exemple pour ne pas avoir à maintenir ou au contraire à mitrailler une touche, des modes d'affichage pour daltoniens, ou encore la possibilité d'inverser les sticks. Il était temps !
L’attente en valait largement la peine. Malgré un gros problème d’équilibre de son économie, et un usage de l’Unreal Engine un peu décevant, Like a Dragon : Ishin! amène un vrai vent de fraicheur grâce à son système de combat, à la richesse de son environnement, et à la qualité de son intrigue et de ses personnages. Ceux qui sont familiers de la série seront ravis de retrouver autant de protagonistes des anciens épisodes, mais les nouveaux venus ne seront pas perdus pour autant. Une nouvelle valeur sûre, qui trouve naturellement sa place parmi les tous meilleurs volets de la série.
Verdict
Points forts
- Intrigue palpitante
- le changement d'environnement et de style de combat fait du bien
- Le charme de l'ancienne Kyoto
- Du contenu annexe à foison
- Les caméos pour les amateurs
- Version française de qualité
Points faibles
- Economie du jeu à revoir
- Rythme de la progression haché si on veut profiter de tout
- Certains styles de combat peu utiles
- La forge ne sert à rien
- Techniquement inférieur aux derniers jeux du studio
Commentaires
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C'est une grande réussite ce soft allez-y !
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