Test : Humankind (PS4, PS5, Xbox)
Les versions consoles
Pas facile de convertir un jeu aussi riche et aux menus aussi complexes que Humankind, pour l'adapter à un gameplay à la manette. Amplitude a cependant fait de l'excellent travail en revoyant le positionnement et l'arborescence des menus, et en permettant de quasiment tout faire facilement, quitte à utiliser des combinaisons de touches.
Il faut cependant du temps pour s'y habituer. Les actions des troupes sont peut-être les moins instinctives, puisqu'on doit jongler entre le déplacement du curseur hexagonal sur la carte, et la navigation dans le menu de l'unité en question en appuyant sur une touche. Ce n'est pas gênant en début de partie, mais ça peut devenir fastidieux en période de conflit, ou tout simplement si vous avez plusieurs armées en action sur votre territoire.
La gestion des villes est plus simple, même si on met un peu de temps à retrouver le menu de répartition des ressources par exemple. En revanche on apprécie d'avoir les notifications mineures désactivées par défaut (une amélioration issue d'une précédente mise à jour sur PC). Evidemment, si vous avez joué à la version PC, l'expérience semble très laborieuse, chaque action prenant le triple de temps. En revanche, si vous découvrez le jeu sur console, avec un peu de patience vous devriez apprécier l'expérience. C'est l'avantage du tour par tour : ce n'est pas bien grave de s'emmêler les pinceaux en début de partie.
Techniquement il n'y a franchement rien à dire, la Xbox Series X et la PS5 étant largement taillées pour faire tourner le jeu. En revanche nous n'avons pas testé le jeu sur Xbox One et PS4, il est donc possible que des concessions aient du être faites.
En ce qui concerne le contenu, si on retrouve les deux packs de cultures déjà sortis, l'extension Together we Rule, qui améliorait sensiblement la diplomatie, n'est pas encore de la partie. En revanche, le jeu bénéficie de toutes les petites améliorations de quality of life, et des ajustements de l'IA à ce jour (je vous invite à lire les tests de Cultures d'Afrique et Cultures d'Amérique Latine pour en prendre connaissance). On regrettera cependant l'absence d'une option pour modifier uniquement la taille des textes, et quelques chevauchements dans l'interface et bugs d'affichage des didacticiels qui devraient être résolus rapidement par un patch.
Si vous n'avez pas de PC taillé pour jouer, la version consoles de Humankind est donc une bonne alternative, bien pensée et qui tire bien partie des limites d'une simple manette comme périphérique. En revanche, si vous avez le choix, aucune raison de préférer la version consoles, si ce n'est le confort de votre canapé. La sortie du jeu sur le Gamepass peut être l'occasion de vous faire votre propre avis.
Rares sont les titres qui se sont amusés à venir chatouiller Civilization dans le domaine des 4X historiques. La série créée par Sid Meier règne en maître sur le genre depuis 30 ans. Et pourtant, avec Humankind, Amplitude Studios a enfilé avec confiance son costume de challenger, pour aller, si ce n'est le mettre KO, au moins aller titiller le champion.
Est-ce que la tâche est accomplie, et est-ce que Humankind se hisse au niveau des meilleurs volets de Civilization ? Je n'en sais rien, car mon seul contact avec la série se limite à une semaine d'humiliations face à l'IA de Civ IV. Mais ce n'est pas grave, car avec Humankind, Amplitude souhaite aussi bien s'adresser aux vieux briscards du genre qu'aux noobs curieux d'en découdre avec un genre exigeant. C'est mon cas.
Olmèque, elle est où ma caisse ?
Le but de Humankind est simple : laisser son empreinte indélébile sur l'histoire de l'humanité, par quelque moyen de que soit : le vainqueur d'une partie est celui qui a engrangé le plus de points de Gloire à l'issue d'un certain nombre de tours, et ceux-ci s'obtiennent par des exploits militaires, industriels, scientifiques, agraires, ou encore commerciaux. Pour y arriver, vous devez bâtir votre civilisation en faisant se succéder différentes cultures au cours de six ères. Vous avez le choix entre dix d'entre elles à chaque époque, chacune ayant une affinité de développement. Certaines sont axées sur le commerce, d'autres sur la guerre, les conquêtes, ou la recherche. Chaque culture possède un trait héréditaire qui sera conservé par la suite, un bâtiment et une unité militaire unique, et des bonus de développement qui lui sont propres, et chaque affinité permet de déclencher une action spécifique, comme consacrer toute sa production industrielle à la recherche, ou au contraire orienter tous les moyens disponibles vers la construction.
La construction de quartiers est au cœur du jeu. Les quartiers agricoles produisent de la nourriture, indispensable pour faire croître la population. L'industrie permet d'augmenter la vitesse de construction des autres quartiers, des infrastructures, et des unités militaires. Les quartiers scientifiques augmentent la vitesse des recherches, et les quartiers marchands rapportent de l'or. En plus de tout ça, les garnisons et les quartiers de loisir permettent de maintenir l'ordre et d'éviter les révoltes.
Le choix d'implantation de vos avant-postes, puis de vos villes, est primordial à plus d'un titre. D'abord parce qu'il y a une compétition entre les joueurs pour acquérir les territoires, et ensuite car les ressources naturelles sont réparties aléatoirement sur la map, et elles ont une énorme influence sur votre développement. Vous arrivez à l'ère industrielle sans pétrole dans votre empire ? Vous allez devoir en acheter à vos voisins, s'ils veulent bien vous le vendre, ou le prendre de force en trouvant un prétexte fallacieux pour déclencher une guerre (il paraît que c'est déjà arrivé). Une fois installé, pour passer à la prochaine ère il faudra accomplir différents objectifs, avec un bonus pour ceux correspondant à l'affinité de votre culture.
L'originalité de Humankind vis-à-vis de Civilization, c'est que vous ne gardez pas la même culture au fil des époques. Enfin, vous pouvez, mais ce n'est pas forcément recommandé, car vous ne bénéficiez alors que d'un bonus de Gloire, et vous ne pouvez pas changer son orientation. L'idée est de choisir celle qui vous convient le mieux à votre étape de développement actuelle, sans forcément rechercher la moindre cohérence historique. Vous avez développé votre population grâce à une culture agraire, et maintenant vous voulez vous étendre ? Choisissez une culture expansionniste, pour avoir des facilités, et un bonus dans l'obtention de vos objectifs. Mais avez-vous pensé avant à débloquer les navires à trois mâts pour pouvoir traverser les océans sans sombrer au bout de deux tours ? Êtes-vous suffisamment armé pour affronter d'éventuels autochtones ? Pouvez-vous seulement vous permettre de fonder de nouvelles villes sans avoir de malus d'influence, qui est la "monnaie" qui vous permet de créer des avant-postes et d'exploiter les matières premières ?
En plus de vos choix de développement, vous serez amené à prendre des décisions de gouvernance. Votre empire sera-t-il tolérant envers les autres religions ou pas ? Autocratique ou démocratique ? Capitaliste ou collectiviste ? Ces décisions ont une influence non seulement sur votre territoire, mais aussi sur vos relations avec vos voisins. Difficile d'entretenir des relations cordiales avec un peuple qui ne pratique pas la même religion que vous si vous avez choisi d'être intolérant, ou d'appliquer des frais de douane importants sur les importations. L'écran de diplomatie permet de gérer les traités, les échanges commerciaux, et parfois les conflits avec les autres civilisations. C'est un des points faibles du jeu, car on a parfois du mal à comprendre pourquoi untel change son opinion de vous alors que vous étiez tranquille dans votre coin.
Si vos relations s'enveniment trop, et qu'un des peuples concernés est suffisamment remonté, ce qui se manifeste par un "soutien de guerre" de son peuple, vous pouvez commencer à vous mettre sur la tronche. Les combats se déroulent au tour par tour, avec un système proche du papier-feuille-ciseaux pour déterminer les forces et faiblesses relatives des unités. Les escarmouches prennent en compte la typologie du terrain, sa topographie, et la présence ou pas de remparts, et ne sont pas désagréables, mais ils sont parfois confus. Plus d'une fois j'ai été incapable de comprendre pourquoi je ne pouvais pas déplacer une unité, voire comment la sélectionner quand elle était sur la même case qu'une autre, et le système de renforts n'est pas clair du tout. le transport maritime de troupes est également un peu confus.
En tous cas il ne faut pas négliger l'aspect militaire, même si votre objectif est de développer une civilisation pacifique. A défaut de produire des unités à la chaîne, il faut au moins construire des défenses pour ses villes, et se préparer au pire, car si l'IA est très cool dans les deux premières difficultés, à partir de "Métropole" (qui correspond au mode Normal), elle n'hésitera pas à vous agresser très tôt dans le jeu.
Build like an Egyptian
On se rend vite compte que le début de la partie est primordial. Atterrissez sur un terrain pauvre en ressources, et les autres joueurs arriveront plus vite à l'ère antique, et préempteront potentiellement la culture que vous visiez. Faites les mauvais choix de culture, et vous aurez du mal à concrétiser par votre production vos progrès technologiques. Globalement, il semble que les cultures axées sur le développement (agraire, construction) sont à privilégier au début du jeu, ce qui est dommage car elles sont peu nombreuses par rapport à celles axées sur la guerre ou l'expansion. On peut assez vite se rendre compte qu'une partie est mal entamée, et même si rien n'est jamais perdu, on peut galérer pour rattraper son retard par la suite. Le studio ne s'en cache pas : avec autant de combinaisons possibles, évidemment que certaines seront pétées, dans un sens ou dans l'autre. A voir comment cela se manifestera contre des joueurs humains.
Il faut vraiment faire plusieurs parties pour commencer à saisir toute la complexité d'Humankind. Les développeurs en sont bien conscients, et ont mis le paquet sur les indicateurs, les tutos (ingame, via une encyclopédie, et même en vidéo !), et tout le toutim, mais malgré cela certains mécanismes restent longtemps obscurs. Pourquoi dans certaines villes les quartiers coûtent que dalle, mais les infrastructures ou les unités militaires coûtent une fortune ? Pourquoi certaines infras ne sont pas constructibles au prétexte qu'elles "n'apportent rien", avant d'être disponibles plus tard ? Pourquoi ne puis-je pas continuer une guerre quand l'ennemi est prêt à se rendre, pour lui extorquer davantage en échange de sa reddition ?
Certains aspects, en revanche, sont vraiment légers. La religion ne sert pas à grand chose, si ce n'est à se fâcher avec ses voisins, et a vraiment très très peu d'impact dans la gestion de la cité. La pollution, qui apparaît dans les dernières ères du jeu, semble vraiment avoir été posée là histoire de, mais n'est pas du tout développée. Plus généralement, les deux dernières ères manquent un peu de mécanismes de "comeback", ou du moins de sources d'instabilité, et on ronronne un peu durant l'ère contemporaine. Je regrette aussi l'absence de mécanisme incitant au roleplay : on a beau créer un avatar, avec des traits de caractère, cela n'a pas d'influence sur notre partie, et l'inconsistance dans les choix idéologiques ou lors des évènements aléatoires n'est pas punie. C'est au joueur d'être discipliné. Pourtant, un jeu comme Crusader Kings III a démontré qu'on pouvait inciter au RP par des mécanismes pas trop intrusifs.
Hittitites, hourrah !
Rien à redire en revanche d'un point vue technique. Le jeu est très joli, les musiques sont sublimes, et même un PC de jeu de milieu de gamme le fait très bien tourner avec un haut niveau de détails. Mieux encore, les calculs en fin de tour sont vraiment très courts (une poignée de secondes au pire), même à la fin du jeu. L'interface prend un peu trop de place par défaut, mais son échelle peut être réduite dans les options. Malgré tout, les notifications restent envahissantes, car elles ne sont pas hiérarchisées en fonction de leur importance : c'est du "tout ou rien", et au bout d'un moment c'est assez casse-bonbons de voir à chaque tour les notifs sur le gain/perte de population des villes, ou que l'interface diplomatique s'ouvre à chaque fois que Tartempion nous achète de l'encens. Plusieurs testeurs ont également relevé des bugs plus ou moins graves, comme des crashs nécessitant des réinstaller le jeu. Pour ma part le jeu plante à chaque fois que je le quitte. Amplitude est bien au courant de ces problèmes, et a mis en place des outils de suivi et de reporting des bugs.
Malgré ces soucis, Humankind est un jeu enthousiasmant, et il est très, très difficile de lâcher une partie, le syndrôme du "encore un tour" étant indéniablement présent. Les tours et les heures s'enchaînent, et si on craint de tourner un peu en rond, la ribambelle de succès ingame donne des idées pour varier les expériences. C'est en tous cas un plaisir de voir évoluer ses villes et ses armées, et le ton ultra bienveillant et progressiste du jeu le rend vraiment sympathique. Il n'y a pas de bons ou de mauvais choix de gouvernance dans Humankind, surtout des choix circonstanciels, que ne manquera pas de commenter le narrateur avec un ton pince-sans-rire.
Même si, comme moi, vous êtes débutant (ok, disons nul) en 4X, Humankind peut être intimidant. Pourtant c'est un titre plus accessible qu'il n'y paraît au premier abord, et qui malgré tout offre une expérience de jeu personnalisable, variée et profonde, à l'exception de quelques points qui, on l'espère, seront retravaillés suite aux retours des joueurs. Mais Humankind est déjà une réussite, qui possède en plus un énorme potentiel pour l'avenir.
Verdict
Points forts
- Le système de jeu ultra riche
- Une myriade de possibilités
- Terriblement addictif
- Technique maîtrisée et musique sublime
- Les améliorations des mises à jour successives
- La jouabilité à la manette a été bien travaillé...
Points faibles
- ... Mais reste plus laborieuse qu'au clavier et souris
- Manque d'intérêt des dernières ères
- Certaines cultures nettement privilégies au début du jeu
- La diplomatie et la religion à améliorer (eh oui, toujours !)
- La gestion de la pollution balancée là
Archives commentaires