Test : Football Manager 2015 (Windows, Mac, Linux)
Le mois de Novembre est la saison où la nouvelle version de Football Manager débarque traditionnellement sur Steam. C'est la 10ème évolution de cette licence, apparue en 2005, et toujours développée par le studio britannique Sports Interactive, déjà développeurs de la série Championship Manager (l'Entraîneur en français).
Ce jeu vous met dans les souliers d'un manager de club de football, avec pour ambition de mener son club au succès (ou au moins atteindre les objectifs fixés par sa direction). Transferts, tactiques, relations avec les médias, bras de fers avec des joueurs convoités par d'autres clubs, blessures de votre star la veille du match le plus important de la saison seront votre quotidien dans ce jeu de gestion à la base de données des plus complètes.
Le début d'une carrière
Une nouvelle partie commence par la personnalisation de votre avatar ; auparavant purement anecdotique, cette création de personnage vous demande de définir votre passé de footballeur et le niveau de votre diplôme. Ces choix vont affecter la façon dont le monde du football vous considérera et surtout quelles seront vos caractéristiques chiffrées d'entraîneur et ainsi dans quelle mesure vous serez compétent pour le développement de vos joueurs lors des entraînements. Cette nouveauté est bienvenue, elle vous permet une meilleure représentation de l'avatar dans le jeu et le club ; ces caractéristiques sont modulables, selon que vous vous orientez vers le coaching (entraînement) ou le mental (discipline, gestion des joueurs).
Le choix de la division et de l'équipe que vous entraînerez est donc la première étape de votre nouvelle carrière. Après une brève présentation du club, des objectifs et des joueurs, vous voilà lancé vers les sommets... ou le licenciement pour manque de résultats...
Comme dans chacun des opus de la série, les jours et les semaines se suivent avec un système de pause du déroulement du temps dès qu'une information importante ou qu'une décision à prendre se présente. Les médias vous sollicitent encore plus souvent qu'avant, sans que cette partie du jeu soit réellement plus intéressante, se résumant assez vite au même enchaînement de réponses, malgré une variété de questions plus étendue. Vous aurez aussi le plaisir d'avoir des mini-interviews juste avant ou juste après les matchs. On sent l'effort mais cela reste artificiel et répétitif en termes de gameplay, bien que vos réponses aient une réelle influence sur l'état d'esprit de vos joueurs ou vos relations avec vos collègues.
La mue hivernale de l'interface
C'est à nouveau dans le domaine de l'interface que les plus gros changements ont eu lieu ; pour un habitué de la série, quelques minutes suffisent pour trouver ses marques. Certains écrans sont accessibles selon un cheminement différent, une barre latérale vient s'ajouter à la barre du haut de l'écran, mais à l'usage cela se révèle plutôt pratique et mieux pensé sur certaines fonctions. Pour d'autres, il faut tâtonner encore un peu au bout de quelques heures de jeu, mais dans l'ensemble c'est assez réussi.
Parmi les autres changements, on peut noter la fiche des joueurs, sur laquelle la présentation de l'état de forme physique et de préparation sont séparées, et la nouvelle présentation de la compatibilité d'un joueur avec un positionnement sur le terrain. Une grosse étoile entourée d'un cercle remplace les étoiles sur l'écran tactique, ce qui n'est pas forcément pour une meilleure compréhension ; chacun appréciera ou non.
Un moteur 3D moins figé mais toujours bancal
Ces changements cosmétiques sur l'interface et la façon dont vous sont présentées les nombreuses informations sont accompagnés d'un nouveau moteur de match en 3D. La plus grande variété de mouvements des joueurs est appréciable, tout comme les frappes qui semblent plus crédibles. Les stades eux-mêmes ont changé, et en fonction du lieu où vous vous trouvez, vous pourrez voir les baraques à frites derrière les virages d'un petit club de CFA ou les tribunes modernes avec écrans géants d'un grand d'Europe (certains stades ont été modélisés).
Les collisions entre joueurs sont en revanche parfois surprenantes et bizarres, la façon qu'ont les joueurs de réagir autour du ballon vous promet de sympathiques frustrations quand vos joueurs se télescopent et que l'attaquant adverse profite de l'espace, et d'autres approximations sont toujours présentes. On est toujours pas en face d'un vrai match de foot, mais on continue de faire semblant d'y croire.
Le nouveau moteur n'est pas non plus une évolution en termes de qualité graphique et les animations, plus nombreuses, certes, sont toujours aussi peu crédibles et donnent l'impression de voir des pantins désarticulés ou des robots sur le terrain. Mais cela reste un détail pour un jeu de gestion, et c'est bien évidemment sur la simulation de match que repose une bonne partie de l'intérêt de la série.
" Vous allez vous bouger, oui ? "
Côté tactique, on retrouve la même combinaison que sur les autres domaines : des options supplémentaires, une interface revue et qui facilite grandement la sélection des joueurs pour le match à venir, et la possibilité de communiquer avec ses joueurs pendant les matchs, les enjoignant à se concentrer ou à faire preuve de caractère. On peut d'ailleurs parler à l'ensemble de l'équipe, ou à un seul joueur en particulier, si sa performance est insuffisante ou s'il devient trop nerveux.
L'impact de ces causeries est encore difficile à percevoir, mais la variété des possibilités qu'elles offrent est intéressante. Pour le reste, quelques nouveaux rôles pour certains postes (dont le fameux raumdeuter pour un ailier), sinon on est dans la droite lignée du précédent Football Manager avec les consignes pour modifier votre tactique, qui confirment l'abandon des curseurs déjà opéré l'an passé. Ce système est complet et propose de nombreuses options de mise en place tactiques, que l'on adapte selon ses joueurs, ou que l'on impose à coups de transferts de joueurs aux caractéristiques correspondantes à son envie, selon ses moyens.
En match, l'impression d'avoir un réel impact par ses choix et ses changements tactiques est présente, on tente des coups, on se replie en mode hérisson quand on mène d'un but à la 85ème minute... Et la part d'aléatoire et de faits de jeu rend parfois l'atmosphère épique des matchs réels.
Petit détail décevant : lors d'un remplacement de joueur, le changement s'effectue toujours à un moment qui semble aléatoire. Il peut parfois passer plus de quelques minutes après avoir indiqué vouloir souhaiter le changement, alors qu'on aurait pu souhaiter avoir une option pour prévoir à l'avance un remplacement en envoyant des joueurs s'échauffer pour qu'ils soient disponibles au moment voulu. Et remplacer instantanément un joueur blessé par un nouvel entrant qui ne s'est pas échauffé ne semble pas avoir d'impact sur sa performance.
L'argent, le foot et le manque de transparence
La partie gestion de club, et notamment des finances, est toujours faiblarde, due au manque d'informations et de contrôle sur le budget. Si cela reste la responsabilité des dirigeants, on peut regretter de ne pouvoir avoir accès à un bilan prévisionnel des recettes et des dépenses en fonction des objectifs annoncés. Le solde des comptes du club reste donc présenté mensuellement et ne permet pas de constater si l'on est " dans les clous ". L'onglet " projections " censé nous montrer l'évolution des finances sur les prochaines saisons est inutile et incohérent.
Comment recruter un talent pur et se retrouver avec une chèvre
Enfin la recherche de joueurs fonctionne légèrement différemment, avec les caractéristiques des joueurs qui ne sont plus uniquement cachés ou visibles, mais qui, lorsque le joueur est connu mais n'a pas été observé suffisamment, sont présentées sous forme de fourchette, et on apprend en ouvrant la fiche d'un joueur qu'il a par exemple entre 11 et 15 en vitesse. Il faudra l'observer plusieurs fois, en fonction de la qualité de vos recruteurs, pour affiner ces informations.
De même vous pouvez chercher directement un joueur pour un poste et même un rôle en particulier, et même préciser s'il s'agira d'un titulaire, d'un remplaçant ou d'un jeune espoir pour l'avenir. L'importance de l'envoi des recruteurs en mission devient primordiale dans ce cas, puisqu'on peut les affecter à la recherche d'un joueur pour un poste précis, au lieu de simplement les envoyer observer un pays ou une région.
Communiquer, la nouvelle exigence du football moderne
Les principales évolutions concernent donc l'apparence et l'interface du jeu, ainsi que les relations avec les joueurs et les médias. Si les conférences de presse sont toujours aussi inintéressantes, les possibilités sont plus nombreuses lorsqu'il s'agit de communiquer avec ses joueurs, point positif qui renforce l'aspect gestion de groupe sportif.
A titre personnel j'aurai souhaité une option permettant de faire évoluer les règles des compétitions, passage à 18 clubs, modification des conditions d'accès en coupe d'Europe... tout ce que l'on voit évoluer depuis des années mais qui restent figées sur Football Manager, saison après saison. Mais cela ne concerne que les acharnés qui s'obstinent à vouloir gagner la Ligue des Champions avec leur petit club de troisième division.
Les modes, la boutique, le son, trois éléments à oublier
Un mot sur les modes challenge et classic, qui proposent une expérience simplifiée en terme d'outils disponibles et une interface plus colorée et assez réussie, sans qu'elles ne puissent rivaliser en intérêt avec le mode de jeu principal. Les challenges sont à peu de choses près les mêmes que dans l'épisode précédent, mais ces modes restent une façon moins exigeante en temps et en investissement de s'amuser à diriger un club de foot.
La boutique est toujours présente, malheureusement, car elle n'est qu'une option de triche payante en vous proposant d'acheter en véritable argent la remise sur pied d'un joueur blessé, d'augmenter le moyens financiers de votre club ou même d'accéder à l'éditeur de partie pour modifier les caractéristiques des joueurs. Certaines de ces options sont déblocables en jeu en réussissant des succès, mais je reste dubitatif sur la méthode consistant à proposer de payer pour pouvoir gagner plus facilement à un jeu vendu près de 50€ à sa sortie.
Oubliez le son sur ce jeu : lorsqu'en lançant mon premier match amical avec 25 personnes dans un stade de campagne, j'ai entendu autant de bruit que 40 000 personnes au Parc des Princes, j'ai compris que ce point n'est pas la priorité de Sports Interactive. Cela tombe bien, pour les joueurs de Football Manager non plus.
Le FrenchBDDGate
Dernier point qui a son importance pour nous français : la base de données de Football Manager est son point fort, l'élément qui a en partie assuré sa survie lorsque la franchise a changé de nom et s'est retrouvée en concurrence avec l'Entraîneur, son ancienne appellation. Sa mise à jour régulière, l'adéquation des notes avec la réalité et le potentiel d'évolution des jeunes joueurs sont primordiaux pour que ce jeu conserve son exigence de qualité.
Cependant, cette version souffre d'un handicap à sa sortie : la base de données des championnats de France dans les divisions inférieures. Joueurs aux caractéristiques inchangées depuis plusieurs versions, changements de clubs non effectués, les effectifs ne sont pas complets et ne correspondent pas à la réalité. Ma première partie m'a vu prendre les rênes de Colomiers, en championnat National, et j'ai été surpris de trouver dans mon effectif un joueur qui joue depuis cette saison... en Algérie. Quand on regarde l'historique de la carrière de certains joueurs, on trouve des trous de plusieurs saisons... Et les caractéristiques de certains joueurs semblent peu crédibles.
Ce problème était déjà présent l'année dernière, il est connu et reconnu par le staff s'occupant de la France, mais malgré des promesses de mises à jour régulières pour pallier le problème sur Football Manager 2014, rien n'est venu, et le problème subsiste sur Football Manager 2015. La communauté des joueurs propose déjà des mises à jour mais bien que le problème semble extrêmement localisé (la France), il ne semble pas très professionnel de ne pas le résoudre dans la nouvelle version et de sortir le produit avec un défaut pourtant déjà dénoncé l'an passé.
Cette version de Football Manager apportera toujours autant de plaisir aux passionnés des tableaux noirs, des transferts galactiques et de l'éclosion de joueurs de classe mondiale. La nouvelle interface s'apprivoise avec souplesse, le nouveau moteur 3D n'est pas révolutionnaire mais renouvelle l'expérience de jeu, et les subtilités de la gestion des recruteurs rafraîchissent cette partie du jeu.
Il manque toujours quelques détails, de ceux dont on rêve quand on joue à la série depuis des années. Ils sont en partie compensés par des possibilités auxquelles on n'aurait pas pensé, mais Football Manager continue de régner en maître sur la catégorie gestion de club de foot où il a éliminé la concurrence.
Sans ce problème de qualité de la base de données française, il n'y aurait eu aucune ombre au tableau ; malheureusement la gestion de la situation est particulièrement décevante jusqu'ici, et on espère que Sports Interactive saura réagir vite, déjà pour assurer la qualité qu'on est en droit d'attendre sur ce point, et à l'avenir, pour que le problème ne se reproduise plus.
Verdict
Points forts
- Interface renouvelée
- Options tactiques
- Moteur 3D amélioré
- L'envie de jouer encore un match
Points faibles
- Base de données française incohérente et non rectifiée
- Simulateur de match encore peu crédible et bugué
- Boutique
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