Yu Suzuki : une interview pour les 20 ans de Virtua Fighter

Vous n'êtes pas sans savoir que le prestigieux Virtua Fighter fête ses 20 ans. Le grand Yû Suzuki a accordé une interview sur le site anniversaire, et c'est avec un grand plaisir que nous vous proposons quelques jours seulement après, la traduction française!

---Nous fêtons les 20 ans de "Virtua Fighter", pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances le jeu est né ?

Yû Suzuki : Comme vous le savez, au tout début de Virtua Fighter, il s'agissait des mécaniciens de Virtua Racing. Sur la voiture, les parties en mouvement étaient peu nombreuses, quant aux animaux ils n'avaient qu'un point d'articulation, il s'agissait de structures très simples. Comme nous avions pu faire cela en 3D, j'avais l'envie de faire quelque chose avec beaucoup d'articulations pour le titre suivant, toujours en 3D. à cette époque, il semblait impossible pour l'équipe de faire cela, mais je voulais vraiment réaliser une simulation avec des personnages de 30~32 points d'articulation, nous avons donc commencé les tests avec les mécaniciens de Virtua Racing.

---Cela nous mènera donc à Virtua Fighter.

J'avais comme objectif de faire un jeu de football ou bien de rugby, mais le nombre de joueurs devant être affiché durant un match était trop important, quelque soient les calculs que nous faisions, ça nous était impossible. C'est en cherchant ce que nous pouvions obtenir avec 2 humains que cela nous a conduits du côté de la boxe ou de la lutte.

---Vous n'aviez donc pas pour intention de faire un jeu de combat au début.

En 1991, Capcom sortait son hit Street Fighter II, comme nous nous disions que nous-mêmes n'avions pas un titre du même genre alors que le marché était demandeur d'un titre capable de rivaliser avec SF2, et que faire un jeu de combat avec des personnages en 3D était quelque chose qui suscitait mon intérêt, nous avons alors pris cette direction. Il fallait un titre de jeu accrocheur, on a bien dû penser à 600 noms! Street Fighter II était le must, il restait indétrônable. Beaucoup de personnes étaient contre. Je me souviens avoir dit "J'ai confiance en moi, je souhaite vraiment le faire et je suis certain que l'on récupérera au minimum l'argent investi".

---Le fait que Virtua Fighter soit un hit a t'il changé quelque chose ?

Nous avons développé une puce pour les textures/mapping, pour Virtua Fighter 1 et 2 je suis allé en Chine recueillir des informations et dans le même temps en 1994 j'ai participé à Daytona USA (producteur) et Virtua Cop (Planning producer), il y avait sans cesse de nouvelles choses qui suscitaient ma passion, au final qu'il soit un hit n'a rien changé dans mon travail.

---Virtua Fighter 2 utilisait les nouvelles techniques de texture mapping et motion capture.

À cette période, la motion capture était une technique principalement utilisée en milieu médical, c'était la première utilisation dans un jeu. Quant aux puces de texture/mapping, seules 3 entreprises de simulateurs militaires en possédaient. Même si je pensais que c'était impossible je voulais essayer (rire). L'industrie militaire Américaine possédait les dernières technologies de pointe, laisserait-elle une simple entreprise de jeu vidéo Japonais utiliser cela si nous lui demandions, il fallait tenter le coup. L'union Soviétique s'était écroulée, en tant que partenaire privé et non pas un pays, je me disais que c'était le bon timing pour qu'ils acceptent. Mais lorsque le prix d'une puce est fixée par l'entreprise (SEGA) à 5000 yens, et que là -bas il y en avait pour plusieurs milliards de yens de simulateurs d'avion de chasse bourrés de puces, il fallait en acheter pour 200 millions de yens pour obtenir ce prix ; même en faisant une production de masse, il était difficile de rentrer dans nos frais (rire crispé). Mais au final le jeu fut un succès, et la production de masse fit son effet.

---Afin d'avoir des outils permettant de nouvelles choses et des systèmes plus efficaces il ne fallait pas se limiter au monde du jeu vidéo.

Au final, le créateur est celui qui s'occupe de la partie que seul un humain peut faire. Bien que je veuille déléguer le travail aux machines, il est parfois plus rapide de faire le travail soi-même. Si toutefois du matériel permet de faire un travail, autant se le procurer. L'idéal serait que l'humain ne fasse que penser, de manière à confier le reste aux machines. L'industrie du jeu vidéo était nouvelle, lorsque l'on réunissait une équipe de 20~30 personnes pour un projet nous n'avions pas l'organisation adéquate, j'ai pensé opter pour une gestion d'entreprise comme celle d'IBM.

---Nous en sommes au cinquième volet de la série, mais dès la période du 1 et du 2 vous aviez imaginé aller jusqu'à cet épisode, pouvez-vous nous donner des détails?

Notre équipe, pour ce seul projet, avait des besoins techniques et budgétaires énormes, il était impossible de tout obtenir en une fois, il a donc fallu le partager en cinq parties. J'ai donc dit vouloir en faire 5 épisodes pour les convaincre. Il ne s'agissait pas de continuer en ne faisant que de simples réglages, j'estime que cela n'a aucun sens de poursuivre en ne se limitant qu'à cela. Mais je savais que je ne m'en occuperais pas jusqu'au cinquième volet. Je suis du genre à vouloir faire à sans cesse de nouvelles choses, travailler sur le même titre 5 fois de suite est pour moi inimaginable. Je pensais continuer à m'investir sur le 2 et le 3, mais que d'autres personnes poursuivent la série me semblait être une bonne chose.

---Maintenant, permettez-moi de vous demander quel sentiment vous avez vis-à -vis du boom qu'a connu Virtua Fighter?

Une industrie sans star ne peut pas avoir de fan. Les joueurs de talent étaient nombreux, et leur enthousiasme fut une très bonne chose. Ces derniers devenaient de plus en plus expérimentés, maintenant, grâce à un Internet il est possible de se mesurer au niveau mondial pour savoir qui est le meilleur, c'est très excitant. Parmi 5 millions de personnes, pouvoir devenir le numéro 1 est fantastique. Il est possible à l'instar des sportifs professionnels, d'avoir des sponsors. Un grand tournoi, projeté sur écran géant dans un lieu public rendrait le tout encore plus divertissant je pense. Je voudrais faire quelque chose qui suscite l'envie des gens, un peu comme une fête/manifestation. Et donc, en étant sous les feux des projecteurs, cela permettrait à de nouvelles stars de naître et d'avoir un meilleur salaire que dans une entreprise classique. Je souhaiterais pouvoir, grâce aux jeux, faire naître des joueurs vedette.

---Un message au sujet du vingtième anniversaire de Virtua Fighter ?

20 années se sont écoulées depuis la sortie de Virtua Fighter en 1993, c'est vraiment quelque chose de touchant. à cette époque, on avait plutôt l'impression de faire bouger des boîtes en carton, alors que maintenant, Virtua Fighter en est arrivé à reproduire de vrais êtres humains. Au moment de la création de la série, je n'imaginais pas que l'on pourrait en arriver là , c'est vraiment émouvant. Pour les 25 ans, ou même les 30 ans, rappelez-moi.

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Commentaires

Il a toujours l'air en forme ce Yu :smile: Continue à nous faire des jeux ! Si y'en avait plus des comme toi qui n'aiment pas faire des suites, le jeux vidéos serait sans doute plus brillant ces jours-ci.
Merci pour la trad Virtua !
j'ai serré la main a ce "grand" :content2: Mr du jeu video!merci pour ce qu'il a apporté,en espérant qu'il apporte encore! et merci pour la trad :good: