Test : Total War Battles : Kingdom (Windows, Mac)

La franchise Total War est renommée pour ses jeux de stratégie, mâtinés de gestion et de batailles en temps réel. Depuis le premier opus, Shogun Total War, jusqu'à Total War : Attila, elle s'est appliquée à développer le principe de base de son gameplay. Les déclinaisons introduisaient un nouveau terrain de jeu ou retournaient sur des époques déjà explorées en approfondissant ses concepts.

A l'annonce de Total War Battles : Kingdom, Creative Assembly semble jouer la carte de la continuité : on nous propose d'étendre un royaume bâtiment par bâtiment et de mener des batailles en temps réel contre d'autres joueurs. Première particularité, il est jouable sur différentes plates-formes, smartphone, tablette et PC. Quand on connaît la tendance des jeux Total War à réclamer une configuration de plus en plus puissante pour y jouer de façon confortable, on se dit déjà que la partie technique n'aura pas la même ambition.

La deuxième originalité est déjà plus étonnante : il s'agit d'un free-to-play avec la possibilité d'effectuer des micro-transactions sur la boutique intégrée au jeu. De nombreux éditeurs ont tenté ce modèle économique, bien que la mode soit maintenant un peu passée, cela reste un sujet d'inquiétude quant à l'équilibre du jeu ; rares en effet sont les free-to-play sans notions de pay-to-win, c'est à dire une tendance à rendre l'achat de bonus ou d'avantages nécessaire pour avoir une chance de gagner.

En espèces ou par carte ?

Le terrain de jeu se présente comme une carte vue du dessus, où l'on peut apprécier des graphismes simplistes mais honnêtes. On découvre une terre à exploiter, avec ses forêts, ses prés, ses lacs et ses rivières. Un château se dresse, entouré de quelques bâtisses, on place une ferme, un bûcheron, une carrière de pierre et on donne des ordres pour amasser des ressources. Pour récolter de l'argent, on peut construire des ateliers de forgerons (et plus tard des tavernes) où travaillent les habitants des maisons qui entourent le château.

Premier constat sur ce système : on peut redessiner le décor. Abattre les arbres ici laissera de la place pour construire des maisons ou une caserne pour des troupes, installer une ferme près d'une rivière fera pousser du blé dans les champs et mieux encore, rabaisser le terrain changera le cours de la rivière proche, inondant des terres tout en rendant d'autres disponibles. Pas forcément évidente à saisir au premier essai, cette possibilité de " terraformation " est bien pensée.

Deuxième constat : dès l'ordre donné, les bûcherons commencent à couper le bois. Quelques instants plus tard, leur travail est terminé, les arbres laissent place à des ressources sur lesquelles il suffit de cliquer pour les récolter. Surprise : un jeu Total War où la partie gestion est en temps réel. Chaque ordre donné prendra un certain temps à être accompli, de quelques secondes... à plusieurs heures. Mais nous y reviendrons.

Y a quelqu'un ?

En l'observant, on remarque que sur cette carte ne figure aucun ennemi. Ni personne d'ailleurs, y a pas un pégu dans mon royaume. Un seul château, le sien, et la nature encore sauvage. En plus des bâtiments de récolte déjà évoqués, on trouve parfois des cases avec des animaux à chasser, du bois mort à ramasser, des pierres... Différents éléments qui apparaissent aléatoirement, comme des bonus de production ponctuels, mais pas de combats à mener.

A quoi donc servent ces casernes de soldats construites près de mon château ? Le jeu porte bien la mention Total War, quelle forme prend la guerre dans ce jeu pour l'instant mignonnet ?

C'est là que j'ai commencé à me méfier. Composer son armée consiste à sélectionner quelques unités et à les placer dans des cases. Pour déclencher une bataille, il faut choisir dans une liste de missions. La guerre, dans Battles : Kingdom, se résume à des escarmouches en temps réel sur un échiquier où chaque unité occupe un emplacement. Pour la guerre totale, on repassera, mais si encore ces batailles étaient intéressantes à jouer, ça aurait pu valoir le coup. Au lieu de ça, on joue à pierre-feuille-ciseau entre les piquiers, les épéistes, les cavaliers et les archers, avec un contrôle très relatif sur ses unités : elles avancent en ligne droite, donc n'attendez pas de prise à deux, de contournement ni même de retraite puisque reculer n'est pas une option.

Après quelques batailles, nos unités (qu'elles aient survécu ou non, mourir ne signifie que quelques minutes d'indisponibilité) prennent de l'expérience et on peut alors choisir entre deux bonus à activer soi-même sur le champ de bataille. Couplé avec la construction d'églises qui apportent également un bonus temporaire, on se retrouve enfin avec quelque chose à faire pendant les batailles : cliquer pour déclencher les compétences et attendre la fin du cooldown pour recommencer.

Total War : Farmville

Au début de la partie, seuls quelques bâtiments sont disponibles, on ne peut engager que quelques unités à la fois, on ne peut pas faire de duel contre d'autres joueurs, notre territoire est minuscule... Notre avatar gagne de l'expérience pour tout et n'importe quoi : construire un bâtiment, ramasser du bois, gagner un combat... Et au fur et à mesure que l'on monte en niveau, on accède à de nouvelles possibilités. Cette phase de grinding est particulièrement ennuyeuse et le court plaisir de découvrir ce que nous offre le niveau atteint est vite déçu vu que l'on fait très vite le tour des nouveautés. L'attente du prochain palier ne crée même pas de frustration, juste de l'ennui.

C'est pourtant le moteur principal de ce genre de jeu : la frustration. Car tout est limité dans Kingdom, par le temps ou par l'espace et utiliser la monnaie du jeu permet de progresser plus vite, de soigner ses unités pour retourner au combat sans attendre, d'échanger de l'or contre des ressources au marché ou encore d'accélérer la production. Vous serez incité à dépenser cet or pour obtenir des avantages lors des combats, avoir un boost temporaire du gain d'expérience ou pour personnaliser votre avatar et votre blason.

Cet or, vous l'aurez compris, s'achète avec des vrais brouzoufs et bien qu'il soit possible d'en gagner dans le jeu en petites quantités, c'est bien le porte monnaie qui est la cible de cette dynamique qui force le joueur à attendre ou à payer. Mais dépenser ne rend pas le jeu plus intéressant, il fait juste passer le temps plus vite.

Total What ?

Je pourrais vous raconter que l'on ne peut disposer que d'un seul bâtiment de production de ressources par château que l'on possède, que pour en construire d'autres et donc augmenter la vitesse de la récolte, il faut conquérir de nouvelles cases (six au total) selon des conditions ruineuses en ressources ou contre une mission pas plus palpitante que le reste, que les bâtiments peuvent monter de niveau contre des ressources ou encore que le climat évolue et influe sur la production selon la saison... mais aucune de ces idées (pas forcément toutes mauvaises) ne vient réellement relancer l'intérêt du jeu.

Point important : si vous souhaitez tabasser vos amis sur le champ de bataille, il vous faudra tout d'abord atteindre le niveau 18 pour avoir le droit de les défier en duel. Comptez tout de même quelques jours à raison de quelques minutes par jour (ou quelques dizaines de minutes d'affilée si vous croulez sous les lingots d'or pour accélérer le rythme...).

Je ressors de mes sessions de Kingdom avec l'impression d'avoir perdu mon temps, de ne pas m'être amusé ni d'avoir réfléchi pour progresser. L'idée de départ était à mon sens bancale, parsemée de micro-transactions elle prend le joueur pour un pigeon roucoulant. Ce n'est pas propre au modèle économique, certains jeux free-to-play réussissent à fidéliser les joueurs mais pour cela ils disposent d'un avantage sur Kingdom : ce sont de bons jeux.

Y apposer le sceau Total War est insultant pour la série qui, si elle n'est pas parfaite ne méritait pas ça. Je vous aurais bien dit d'éviter de l'acheter mais vu qu'il est gratuit, je vous conseille plutôt de faire autre chose de votre temps plutôt que de jouer à Total War : Farmville. Gestion ultra basique, batailles pathétiques, gardez plutôt un oeil sur Total War : Arena, free-to-play également mais bien plus prometteur jusqu'ici.

N.B. : Test réalisé sur la version PC. Les versions mobiles n'ont pas été testées.

Verdict

3

Points forts

  • Quelques bonnes idées...

Points faibles

  • ...Qui ne surnagent pas dans l'océan d'ennui
  • Batailles sans intérêt
  • Micro-transactions

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