Test : Popful Mail (Mega-CD)

La plupart d'entre vous connaissent peut-être la version Megadrive de Toki (ou celle sur Nes) : celles-ci sont à la fois des remakes et des portages du shoot paru en arcade d'après le talent de TAD Corporation. Avec Popful Mail, il s'agit du même délire créatif : nous voilà face à un remake qui prend pour modèle un jeu original paru sur PC-98, au début des années 90, et refondu de manière quasi intégrale pour les besoins du Mega CD (un second remake paraîtra également sur Super Famicom et la PC Engine se verra affublée d'un portage maison par NEC). En pratique, Popful Mail est un action-rpg en vue de côté, avec une quantité non négligeable de textes à l'écran, accompagnés de voix digitalisées.

PC-98 vs Mega CD

La version d'origine se jouait à la manière d'un Y's, en fonçant sur les ennemis sans que l'emploi d'une commande d'attaque se révèle nécessaire. En effectuant un portage pour le Mega CD, Sega modifie l'approche du gameplay puisque l'on se bat à la façon de Wonder Boy, en appuyant sur la touche de frappe réglementaire plutôt qu'en percutant l'ennemi.

Une large partie du level design se voit ensuite reformulée autant qu'une amélioration graphique du visuel d'origine est à constater. Seuls la toile de fond scénaristique et les protagonistes demeurent finalement inchangés. À l'écran de présentation, les développeurs affichent fièrement, sous le titre, qu'il s'agit d'un " reprogramed game " pour signifier qu'il s'agit d'un tour de force artistique et non seulement d'une conversion usuelle qui s'efforce à reproduire le jeu au pixel près.

L'aventure du rêve magique

Nous sommes en l'an de grâce 1994, une année ordinaire de transition vers les nouvelles consoles distribuées en premier lieu sur les terres nipponnes, avant une sortie prévue pour l'été suivant en occident. Il s'agit plus simplement de la dernière année où la génération 16 bits opère avec les pleins pouvoirs. Les jeux parus sur ces machines font alors preuve de maturité technique, mais quantité s'affirment aussi comme des titres à l'intérêt extraordinaire. Voyez plutôt : Sonic 3, Final Fantasy VI, Doom 2, Donkey Kong Country... Avouez que tout ceci en jette comme petite madeleine.

Quelque part, nous sommes face au crépuscule annoncé des jeux colorés en deux dimensions et une année aussi bien considérée est l'occasion pour Sega de lester le Mega CD d'une pièce majeure de son catalogue. Soit un jeu de rôle doté de graphismes next-gen ayant la possibilité d'émoustiller les sens du joueur autant qu'une friandise fourré à la pâte d'amande, grâce à une réalisation mirifique surpassant tout ce qu'on a pu voir sur cette console (à tel titre qu'on approche le dernier Monster Boy dans le domaine, la touche pixel-art en plus).

Pour vous donner une idée plus précise de ce qui vous est proposé, Popful Mail se présente exactement sous la même forme que la série des Wonder Boy in Monster World. Le gameplay repose sur le maniement éclairé d'un petit personnage armé d'une épée, d'une cuirasse et d'un bouclier au milieu d'une série de tableaux bidimensionnels. Tout ceci afin de sauver le monde d'une puissance tyrannique obscure (comme d'habitude) et d'occire moult bestioles, selon un parcours semé d'embûches, de donjons à écumer et de puzzles à résoudre, ceux qui réclament de faire fonctionner ses méninges autant que posséder un bon sens de l'orientation. Lesdits puzzles consistent le plus souvent à choisir son chemin entre deux directions, celle qui mène jusqu'à la fin du niveau ou à un trésor dissimulé, sinon à un endroit qu'on ne peut pas franchir sans un objet précis ou une action contextuelle, pré-déterminée en tous les cas.

Au menu, il y a le coup classique du coffre abritant la clé, celle-ci permettant d'ouvrir une porte grillagée aperçue un peu plus haut, ou alors celui de la bombe faite maison qui fera rétrécir un mur trop élevé pour être franchi autrement. En autre occasion, il faudra faire preuve de patience pour trouver le bon personnage avec qui parlementer ou encore réussir à dégoter cette cordelette permettant de venir en aide à un perso précipité au sein d'un abîme, afin de continuer plus loin dans le niveau. Celui-ci se conclut alors, oh surprise, par un boss...

Un tel projet ludique se classifie immédiatement dans une catégorie de jeux qu'on appellera, dans une poignée d'années, les " metroidvania ". Il en est ainsi du fait que notre avatar accède en chemin à des endroits safe, des petits villages où il peut se soigner et faire le plein d'équipements ou d'objets curatifs. Ensuite, les tableaux deviennent de plus en plus labyrinthiques et il y a des énigmes corsées, demandant parfois de l'habileté et de solides réflexes au paddle.

On y trouve encore des boss évidents à battre, après avoir adopté la bonne technique, qu'il s'agira de répéter en boucle, en suivant les patterns de ces fameux boss qui occupent bien souvent un bon tiers de l'écran, comme c'est l'usage. Dans le fond, ce jeu demeure similaire à ce qui existait déjà en 1989 avec The Dragon's Trap " mais qu'on ne retrouve plus dans les deux derniers opus de Wonder Boy : la possibilité de permuter entre trois personnages, chacun ayant leur aptitude offensive, leurs statistiques prédéfinies, mais aussi leur propre émotion et personnalité, justement retranscrites par les tirades autant que par leurs digits vocales.

Scénario classique

C'est le moment choisi pour parler de l'histoire et de quelques protagonistes. Car que serait un bon jeu de rôle sans un semblant de scénario, sans ses monologues éclairés au sujet de mercenaires au grand cœur, en relation avec les populations autochtones ou bien avec des belligérants, soucieux de remettre en cause l'ordre du monde ? Popful Mail est le premier personnage aux commandes lorsque l'on démarre une nouvelle partie. C'est une chasseuse de primes fort distinguée, bien qu'en tenue légère, qui poursuit des têtes mises à prix afin de rembourser ses dettes.

L'héroïne possède son propre caractère qui tranche d'emblée avec les clichés au cœur pur des combattants de Wonder Boy et consorts. Il apparaît qu'elle daigne ne rendre service qu'en fonction d'une jolie répartie financière et ne se gêne d'ailleurs pas pour en jouer devant qui se présenterait avec toutes les caractéristiques d'un allié utile et amical (ou gaffeur). Son premier objectif sera la récompense (jugée à deux millions de pièces d'or) offerte pour la capture de Muttonhead, un sage quelque peu illuminé, devenu subitement hors de contrôle. La recherche du vieillard occupera le premier tiers de l'histoire et le but de Mail, dans les deux tiers restants, sera de le ramener sauf aux autorités. Là où le bât blesse, c'est qu'il est sur le point de réveiller Goradus, une puissance occulte menaçant le plein équilibre des forces naturelles, le grand classique qui peut mener à la destruction du monde et de toute vie...

Wonder Girl in Monster World

Durant les deux premiers stages, on se familiarise progressivement avec le système d'exploration (qui n'est pas sans provoquer quelques aller-retours) puis le jeu s'enrichit, une fois le niveau achevé, d'un nouveau héros accessible depuis ouverture de l'inventaire. On peut désormais les intervertir à loisir. Ceci fait qu'une fois démarré le troisième chapitre, le joueur dispose de trois avatars au choix, ayant chacun leur avantage offensif particulier. Le gameplay est soudainement polyvalent entre la vigueur de Mail, qui permet de frapper d'estoc tout en gardant ses distances, la discipline de Tatt, un disciple de Muttonhead qui peut utiliser la magie, et la puissance de Gaw, une sorte de petit dragon qui utilise ses griffes en combat rapproché ou qui peut s'employer à faire des sauts vertigineux pour atteindre des endroits inaccessibles autrement.

Comme dans tout jeu de rôle, chaque nouveau stage demeure l'occasion d'améliorer son équipement chez un armurier. Puisque ces niveaux sont assez vastes et au nombre de cinq, et comme chaque protagoniste dispose de sa tenue vestimentaire, cela laisse augurer de plusieurs séances de farming afin de compléter son inventaire de manière optimale. Notez qu'il n'y a pas de points d'expérience mais seulement les statistiques qui augmentent avec l'équipement. De fait, il faudra encore compter sur l'emploi d'objets de soins dans les cas où la jauge de vie descendrait de manière trop significative (ici des fruits qui vont de l'orange et la cerise pour une guérison modeste, jusqu'aux fruits de la passion pour un rétablissement intégral de sa barre de vie). Ces fruits relèvent du nécessaire au moment de batailler contre les boss et mini-boss (qui se révèlent, une fois n'est pas coutume, assez nombreux).

Popful Mail n'est pas un jeu très difficile, la sauvegarde étant accessible à tout moment, sauf pendant les boss et les cinématiques. C'est finalement utile, quand on sait qu'il demeure dans ce titre certains monstres occasionnant quelques problèmes avant de parvenir aux routines du thème de la victoire. De la même sorte, certains enchaînements de contacts avec un ennemi banal peuvent parfois s'avérer mortel pour notre santé, la jauge effective étant limitée à 100. Que celle-ci tombe à zéro et l'on se voit obligé de consommer un élixir pour continuer à jouer. Ces élixirs deviennent une denrée vraiment rare dans ce jeu, on sera donc tenté de les préserver durant toute l'aventure pour être à son avantage face aux derniers boss. L'effet qui découle de ces éléments de game design consiste à abuser de la sauvegarde sitôt que l'on change de tableau, essentiellement pour se mettre en garde contre un faux-pas qui nous verrait gaspiller un élixir en moins de deux.

S'il ne répond pas à tous les attributs du RPG, Popful Mail s'insère parfaitement dans le registre Arcade/aventure si cher aux jeux de Westone ou de Miyamoto. Il faudra néanmoins souvent revenir sur ce titre pour assimiler ses mécaniques de jeu 2D rudimentaires et addictives, car la durée de vie oscille aux alentours d'une dizaine d'heures lors d'une première partie. Il n'y a plus rien à ajouter dans ce qui fait que ce soft est aussi agréable à l'œil que parfaitement jouable.

La seule idée qui consiste à faire défiler son perso le long de l'écran, dans ce scrolling horizontal ou vertical d'une limpidité à toute épreuve, est déjà épatante de ressort vidéo-ludique. Les niveaux sont longs et les environnements variés offrent du dépaysement entre la forêt, la cave, la mine, le monde de la glace et la tour du démon. Hop, il serait presque question de magie pure et simple, bien que cela ne concernerait qu'une performance de programmation et d'autres artifices techniques, mais voici comment d'un des titres anthologiques de Falcom, Sega fit l'un des coups de cÂœur définitifs du Mega CD. Sa parution tardive, en toute fin de vie de ladite console, fit cependant qu'il resta longtemps dans l'ombre du jeu original, en dépit d'une traduction américaine qui sera complétée la même année par les bons soins de Working Designs.

Verdict

8

Points forts

  • Graphisme adorable et coloré
  • Trois personnages au choix
  • Les cut-scenes animées entre les niveaux
  • Dialogues humoristiques et savoureux

Points faibles

  • Ben, pas grand chose...
  • ...ah si, vu le prix du jeu en import, il est recommandé de se tourner vers l'émulation pour jouer à ce titre
Avis des joueurs :
Note moyenne Nb avis
Mega CD 7.0 2

Commentaires

Karpo, 05 Sep 2017 - 5:22
Les niveaux les plus intéressants se situent vers la fin du jeu. Il y a le monde la glace et surtout le dernier monde, dont l'architecture fait vraiment honneur au terme "metroidvania".

Sinon je suis d'accord pour dire qu'on ne baigne pas dans une folle originalité avec ce titre. Mais, premièrement : quelque part il s'agit du plus beau jeu dispo sur Mega CD, après, il a tout d'un Wonder Boy sans Wonder Boy, comme le sera Monster World IV qui a la réputation d'être un bon jeu lui aussi.
Le plus beau jeu... Y a pas mal de jeux Mega-CD qui sont vraiment très jolis, plus que Popful Mail à mes yeux (genre Shining Force CD, Lunar 2, Snatcher, Robo Aleste, Sonic CD, Final Fight CD pour en citer quelques-uns).

Mais t'inquiète, ton article est au poil, et je prendrai le temps de le finir à l'occasion :good:
Attaqué il y a environ 2 ans, mais pas le tps de m'y mettre vraiment dessus meme si ce n'est pas l'envie qui manque. Un jour peut etre....:oui:
Après avoir lu le test je dois avouer que je suis intrigué par Popful Mail. Ca donne envie de le découvrir.