Interview : Les frères Takahashi parlent de la Mega Drive

Cinquième traduction provenant encore une fois du Famitsû sorti le 1er novembre 2018, ce dernier faisant la part belle aux 30 ans de la Mega Drive, ceci explique donc le grand nombre d'articles nous intéressant (et ce n'est pas encore fini !).

Les précédentes sont disponible ici (cliquez sur les noms pour les lire) :
Hideki Satô
Masami Ishikawa
Rieko Kodama
Yûzô Koshiro

Aujourd'hui, ce n'est pas une, mais deux personnes qui témoignent de cette (trop) lointaine époque avec les frères Takahashi, papas de la série Shining.
Hiroyuki, laîné, est actuellement président de Camelot Software Planning.
Le cadet, Shûgo est quant à lui vice-président de cette même entreprise.

Vous pensiez que leur premier travail sur Mega Drive fut de donner naissance à Shining in the Darkness ? Et bien vous allez pouvoir apprendre que non, ils ont dû commencer par créer les... bah je vous laisse la surprise en fait, bonne lecture !

Famitsû : D'abord, pouvez-vous nous expliquer le parcours qui a mené au développement de Shining in the Darkness ?

Hiroyuki : Avant, je travaillais pour Enix sur la série Dragon Quest. à l'époque, on m'avait envoyé à l'étranger et cela m'avait permis de voir ce marché de mes propres yeux. C'est pile à ce moment que les jeux japonais attiraient toute l'attention, et j'ai pu sentir un niveau de passion différent à l'encontre du divertissement.
Alors qu'ils se focalisaient sur nos jeux, je ressentais que les développeurs japonais ne cherchaient pas à surprendre ces fans étrangers.
Dragon Quest avait beau être un jeu de grande qualité, il me semblait impossible de continuer avec une telle attitude.

Famitsû : Et c'est pour cette raison que vous avez voulu vous tourner vers le monde ?

Hiroyuki : Oui. Par la suite j'ai démissionné d'Enix et jai commencé le projet et le développement de Shining in the Darkness, mais j'ai clairement fait savoir " s'il s'agit de faire un jeu comme Dragon Quest visant à devenir un hit uniquement au Japon, ça ne m'intéresse pas ". Je voulais faire un jeu qui pourrait faire dire aux Occidentaux " les Japonais sont incroyables ! ".

Famitsû : Je vois. Ces conditions acceptées, vous avez pu commencer le développement de Shining in the Darkness. à ce sujet, quelles furent vos impressions concernant l'environnement de développement des jeux Mega Drive ?

Hiroyuki : Pour être honnête... c'était l'horreur (rire crispé). Il n'y avait aucun vrai savoir-faire, que ce soit chez SEGA ou les third party, afin de faire des jeux sur console de salon. Nous avons commencé par créer un environnement pour le développement.
Notre premier travail sur Mega Drive n'a pas été de faire Shining in the Darkness, mais de créer des outils graphiques.

Famitsû : Ah Bon !? Et cétait aussi l'usage des autres développeurs par la suite ?

Hiroyuki : Oui. A l'époque, l'équipe de Dragon Quest était le top niveau dans le milieu et c'était difficile de faire des comparaisons. Toutefois, même en tenant compte de cette différence, il fallait se rendre à l'évidence : les conditions de travail sur Mega Drive étaient abominables.
Nous avons donc préparé des outils de développement permettant de faire un grand pas qualitatif dans les jeux réalisés par la suite.

Famitsû : Et la Mega Drive, en tant que console, que pensez-vous de ses capacités ?

Shûgo : En tant que hard, c'est vraiment bien. Au début, c'était sa puissance brute qui permettait de compenser tant bien que mal ce mauvais environnement pour le développement.

Hiroyuki : Et puis la Famicom était une 8 bits, alors que la Mega Drive une 16 bits. Elle l'écrasait d'un point de vue technique, elle ne pouvait pas perdre face à la Famicom.
Elle ne pouvait pas mais...

Famitsû : Il n'était pas possible d'exploiter ce hard à 100% n'est-ce pas.

Hiroyuki : Voilà , exactement. C'est pour cela que lorsque nous avons réalisé Shining in the Darkness, les autres développeurs ont été surpris en constatant qu'on pouvait faire bouger d'aussi gros graphismes.

Shûgo : Ils ne pouvaient qu'être surpris.

Hiroyuki : Comme j'ai pu le dire plus tôt, la team de Dragon Quest utilisait des techniques de pointe sur Famicom, et nous avons pu les adapter pour la Mega Drive. Pour donner un exemple simple, même une équipe d'excellence d'une certaine grande société n'avait pas réussi à aligner 8 ennemis sur un même écran pour leur RPG.
Pourtant, lorsque j'ai travaillé sur Dragon Quest 4, on avait pu le faire. Voilà la différence technique de l'époque. Shining in the Darkness déborde de cette technique.

Famitsû : Et à ce sujet, à l'instar des outils graphiques que vous aviez créés à l'usage de tous, avez-vous eu l'occasion de transmettre d'autres techniques d'excellences à d'autres personnes ?

Hiroyuki : Bien après cela, on a par exemple échangé nos points de vue avec l'AM2 lors du développement de Shenmue 1.

Famitsû : Vous aviez un lien avec l'AM2 ?

Shûgo : En fait, à un moment, notre société se trouvait dans une impasse qui menaçait sa survie. La personne qui nous a tendu la main était Hisashi Suzuki de l'AM2.

Famitsû : Il y a eu ce genre de chose... De quand date cette histoire ?

Shûgo : Vers la fin de l'époque de la Mega Drive. Pour faire simple, notre contrat avait été résilié.
Hisashi Suzuki a regardé au ciel en disant " on ne peut pas faire quelque chose d'aussi stupide ". Et l'AM2, qui travaillait surtout en arcade, nous a liés à eux en nous faisant de nouveau un contrat. Je ne pense pas qu'il y ait eu un autre cas exceptionnel de ce genre que ce soit avant ou après.

Hiroyuki : S'il n'y avait pas eu cela, nous ne serions probablement pas ici. Nous sommes vraiment reconnaissants envers Hisashi Suzuki.

Famitsû : En tant que développeurs, y a-t-il un titre pour lequel vous avez beaucoup de respect ?

Hiroyuki : Si je dois n'en citer qu'un seul, c'est Gunstar Heroes. D'un point de vue technique, il est sublime avec ces personnages aux mouvements complexes et pleins d'articulations. Mais il ne faut pas oublier que l'environnement de développement permettant cela a été créé par nous.
Et je pense que Treasure aussi a pu mettre à profit cela dans ses jeux par la suite. Masato Maekawa, qui a développé le jeu, en tant que créateur de génie, a certainement pu se rendre compte ce qu'il était possible de faire.

Shûgo : En parlant de monsieur Maekawa, un jour, Naoki Aoki qui était alors directeur d'une section, nous a appelés tout d'un coup. Il nous a présenté à monsieur Maekawa, et sans vraiment savoir pourquoi, nous sommes allés ensemble à la rédaction de Famitsû.
On se disait qu'il allait se passer quelque chose et c'est là que monsieur Maekawa, devant Hirokazu Hamamura (actuellement représentant du groupe Famitsû), a commencé à jouer à la démo de Gunstar Heroes. Que ce soit le jeu en lui-même ou bien la présentation, c'était très énergique, je me suis dit " ce jeu est incroyable ! ".

Hiroyuki : En fait, afin de convaincre monsieur Hamamura, monsieur Aoki nous y avait emmenés en tant que supporters (rire). Au final, comme on a vu un truc complètement incroyable, on lui a dit " Il faut lui donner des pages ! C'est votre mission que de faire savoir qu'un tel jeu va sortir dans le monde ! ".

Famitsû : Au final, vous avez eu un rôle dans le succès mondial de Gunstar Heroes non ? (rire)

Hiroyuki : Ce serait bien si ça pouvait être le cas (rire). Et pour continuer avec monsieur Aoki, il nous avait réunis avec Masamitsu Niitani, le créateur de Puyo Puyo. Cette fois-ci, monsieur Aoki était venu avec monsieur Niitani en nous demandant si nous voulions voir son jeu, il s'agissait de Puyo Puyo.
Alors que nous jouions, monsieur Aoki a donné un coup de fil à SEGA pour demander de soutenir le jeu.

Shûgo : En même temps, monsieur Aoki fait partie de SEGA (rire). Il semblait aussi souhaiter notre recommandation.

Hiroyuki : J'ai pu y jouer moi-même et je me suis dit qu'il pourrait avoir du succès, et j'ai donné un coup de fil en disant qu'il fallait impérativement le vendre. Et du coup, il est devenu un jeu d'arcade avec le succès qu'on lui connaît. Par la suite notre relation avec monsieur Niitani est devenue très bonne.

Famitsû : Il y a eu de telles histoires dans les coulisses de la création de ces softs culte !

Hiroyuki : Bien entendu, ça ne se limite pas à cela (rire).

Shûgo : Alors que vous nous interviewez, nous ne vous racontons que ce type d'histoire, ça va aller ? (rire).

Famitsû : De telles histoires aussi surprenantes c'est parfait ! Un grand merci.

Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Correction/relecture : Shenron

 

Commentaires

Fabuleux, l'interview va bien au-delà du jeu et fait comprendre certaines choses passionnantes. Bravo !
kraken, 26 juin 2019 - 10:17
c'est une des raisons pour laquelle j'ai pas vraiment envie de les voir revenir sur Shining.
Les types se voient comme les meilleurs, ont sans cesse critiqué Sega, sont responsable de l'échec de Shining force 3 a n'en avoir fait qu'a leur tête et se contentent depuis 10 ans de faire des Mario sport(au point d'avoir déclaré qu'ils se verrais plus faire un Golden sun)
Et tout le monde les voit comme les messies.
Si Shining force 4 doit se faire, je prefère voir la team Valkyria, la team Shining Blade ou les petit gars d'Atlus qu'eux.